« Ce serait un comble de voir un médecin nous poursuivre parce qu’il est classé parmi les 1 000 médecins experts du Point »

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Hier Le Point a sorti un nouveau classement exclusif : 1 000 médecins experts dans 14 disciplines. Un classement que le Conseil de l’Ordre des Médecins avait essayé d’empêcher, en demandant aux praticiens de ne pas y participer. Gwendoline Dos Santos et François Malye, qui ont mené cette enquête pendant des mois pour Le Point, racontent les péripéties de l’élaboration de ce classement.

« Ce serait un comble de voir un médecin nous poursuivre parce qu’il est classé parmi les 1 000 médecins experts du Point »

© DR.

Le Point publie donc sa liste « des grands médecins experts français », « reconnus dans leur discipline scientifique, notamment par leurs pairs, ceux dont les publications scientifiques ont le plus de valeur et font d’eux des experts dans leur domaine au niveau national et international. »
Les 14 classements choisis sont : Rhumatologie, Dermatologie, Cancers Gynécologiques et du sein (oncologie médicale), Cancers Gynécologiques et du sein (Chirurgie), Chirurgie Thoracique, Chirurgie Vasculaire, Neurologie, Urologie, Chirurgie Cardiaque, Chirurgie Orthopédique, Cardiologie, Ophtalmologie, Chirurgie digestive, Infectiologie  C’est le fruit de 18 mois d’enquête, par 3 journalistes. Même si le Conseil National de l’Ordre des médecins a demandé aux praticiens de ne pas participer à l’enquête.

Ce classement des médecins vient-il en remplacement du palmarès des hôpitaux, empêché par la CNIL ?

Gwendoline Dos Santos et François Malye : Non, la décision sur le palmarès des hôpitaux est tombée cet été, et notre enquête sur les médecins était déjà lancée. Mais il y a quelque chose qui nous amuse, c’est que 95% des médecins qu’on cite dans le classement exercent dans des établissements classés dans le palmarès. Donc quand la CNIL dit que la méthodologie du palmarès hospitalier est douteuse, qu’il pourrait induire les gens en erreur, ça ne tient pas.
En tous les cas ce classement n’est ni une vengeance, ni un remplacement, c’est un prolongement, une enquête dans laquelle nous allons au cœur des services.
Qui sont les médecins qui publient le plus dans le service ? Qui est plus actif dans la recherche ?
Sachant que pour le palmarès des hôpitaux, nous sommes devant le Conseil d’état et la procédure n’est pas finie.

« Les classements sont un marqueur fort de notre éducation, et je rappelle que les médecins sont classés, à l'internat »

Certains médecins trouvent que la démarche de les classer n’est pas éthique, qu’en dîtes vous ?

GDS. et FM. : Il y a les deux : il y a ceux qui ne sont pas classés, qui en général n’aiment pas les classements, il y a ceux qui sont classés qui aiment bien, et puis il y a ceux qui sont classés premiers qui eux adorent !
Nous sommes dans un pays du classement, tout le monde est classé tout le temps. C’est même le marqueur fort de notre éducation. Et je rappelle que les médecins sont classés, à l’internat, ils accèdent à leur spécialité et leur CHU par les ECNI.
Donc le côté philosophique, je ne veux pas être classé, c’est du blabla.
Si vous regardez le SIGAPS, pour le financement de la recherche, c’est une forme de classement : on classe les chercheurs pour savoir quel montant de l’enveloppe on donne à chacun. Et personne ne s’est jamais rebellé contre ça ! C’est donc un classement, qui n’est pas publié. Il devrait être rendu public sur un site, avec le nombre de points SIGAPS par praticien. Où est le problème ? C’est de l’argent public !

 

Y a-t-il de nombreux médecins qui devaient apparaitre dans le classement et qui ont refusé ?

GDS. et FM. : Alors 1 319 médecins ont été joints, 447 ont répondu très vite au questionnaire qu’on leur avait envoyé. Et une fois que le Conseil de l’Ordre est intervenu pour se prononcer contre, ils ont rétropédalé. Et il y a eu une dizaine de médecins qui avaient vraiment un ton très déplaisant, donc on les a enlevés du classement. Ils refusaient que leurs noms soient mentionnés, et c’est bien dommage car c'étaient des grands noms. 10 sur 1 300 ce n’est pas tant que ça. Et tous ceux qui ont voulu retirer leurs données, c’était avant tout pour se protéger vis-à-vis du CNOM, avoir la trace qu’ils n’avaient pas collaboré. 

« Là, les médecins restent confraternels, à aucun moment ils ne se comparent les uns aux autres, c’est nous qui les comparons. »

Parce que tous les médecins mentionnés ne vous ont pas donné leur accord ?

GDS. et FM. :  Nous sommes journalistes, nous n’avons pas besoin de leur accord. Leur nom est gravé dans tous les halls de centre hospitalier, ils sont pour la plupart payés avec de l’argent public. En tant qu’assurés sociaux, nous payons tous des cotisations sociales. On est dans une démocratie, donc on peut publier les noms des médecins. Et puis ce serait étonnant de voir un médecin nous poursuivre parce qu’il est classé dans les meilleurs. Il faut quand même un préjudice pour poursuivre.
Les gens sont étonnés qu’on nomme des praticiens. Mais on fait ça toute l’année de nommer des médecins. Et que dire des experts qui vont sur les plateaux de télé ? Nous journalistes, dès qu’on fait un reportage dans un service hospitalier, dès qu’on interviewe un médecin, ça pourrait être considéré comme de la pub. Donc ça, on a le droit, en revanche les comparer les uns aux autres, on n’aurait pas le droit ? Nommer un médecin ce n’est pas un problème. Le code de déontologie des médecins n’est pas le même que celui des journalistes. Là les médecins restent confraternels, à aucun moment ils ne se comparent les uns aux autres, c’est nous qui les comparons.

 

Du coup vous vous attendez à des poursuites ?

GDS. et FM. : Par les meilleurs, ce serait quand même une bonne blague ! Et par ceux qui ne sont pas nommés, ce serait une vraie nouveauté dans le cadre de la diffamation ! Moi je ne suis pas médecin, l’Ordre ne peut pas me poursuivre. Et en tant que journalistes, je ne vois pas comment on peut être poursuivis pour avoir publié les noms des meilleurs.
D’autant que dans ce classement il y a plein de jeunes qui méritent d’être mis en lumière. Il n’y a pas que des grands pontes qui publient, c’est pour ça qu’il y a des surprises dans le classement.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/qui-est-le-meilleur-hopital-francais-dapres-le-classement-mondial-newsweek

Et vous avez eu des réactions depuis la publication ?

GDS. et FM. : Plutôt très bonnes. D’ailleurs, si l’Ordre n’avait pas fait sa campagne de dénigrement et menacé les médecins pour leur déontologie, notre travail aurait été plus simple. Et jusque-là, les médecins nous parlaient facilement et étaient plutôt contents. Certains étaient même enthousiastes. Et tout à coup le CNOM s’est réveillé, et les médecins ont craint d’être attaqués. Nous sommes contents de notre enquête, on a soumis les listes des classements à des médecins, des professeurs, pour qu’ils identifient s’il n’y avait pas d'erreurs. Donc on ne dit pas que ce sont les meilleurs, mais que ce sont des praticiens actifs et entraînés. Ça a été un travail énorme, dont nous sommes contents.

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