18 avril à Terrasson en Dordogne. Le Dr Francis Charbonnel, généraliste, s’apprête à fermer son cabinet lorsque deux hommes armés et masqués font irruption dans son cabinet. Ils menacent de mort le médecin et lui demandent ses clés de voiture. Ils finiront par frapper violemment le professionnel de santé avec la crosse de leur arme avant de prendre la fuite. La victime devra interrompre son activité pendant une semaine à la suite de cette agression.
Ces types d’actes de violence contre des professionnels de santé ne sont malheureusement pas rares. L’an dernier, l’Ordre des médecins faisait le constat d’une « progression régulière des violences physiques ou verbales à l’égard des soignants » et l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) a fait état de près de 24 000 signalements par des établissements de santé pour des faits de violence contre les biens ou les personnes en 2019.
18 mois d’emprisonnement minimum en cas de vol à l’encontre d’un médecin
Difficile de dire si ces faits de violence contre des soignants sont réellement en augmentation ou s’il ne s’agit que de la surmédiatisation de ce type de faits divers particulièrement révoltants (selon les statistiques de l’ONVS, ces faits seraient même plutôt en baisse). Yannick Neuder, député LR de l’Isère, est en tout cas convaincu qu’il ne s’agit pas d’un simple biais cognitif et que la violence contre les agents publics s’est bel et bien accrue. Soutenue par une vingtaine d’autres députés LR, il a donc déposé à l’Assemblée Nationale une proposition de loi visant à « instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les représentants de la force publique, les professionnels de santé et du secteur médico-social, le personnel d’éducation et d’orientation ainsi que l’ensemble des travailleurs investis d’une mission d’utilité publique ».
« La Nation doit se faire protectrice de ceux qui ont embrassé une mission d’intérêt général et qui s’engagent chaque jour au service de la collectivité. C’est pourquoi le législateur a le devoir de s’assurer que des peines suffisantes soient appliquées à tous ceux qui s’en prennent à nos héros du quotidien, lesquels ne cessent d’interpeller les pouvoirs publics dans l’espoir d’une réponse forte » peut-on lire dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. Un moyen également de reprocher au gouvernement son supposé manque d’investissement sur la question, la ministre des Professionnels de santé Agnès Firmin Le Bodo s’étant contentée d’annoncer le lancement d’une concertation qui doit aboutir cet été à l’élaboration d’un plan de lutte contre les violences ciblant les professionnels de santé.
L’article 2 de la proposition de loi du député Yannick Neuder met donc en place tout un système de peines planchers selon la gravité du délit ou du crime commis. Par exemple, en cas de délit puni d’une peine d’emprisonnement de trois ans (vol, violences ayant provoqué une ITT de 8 jours ou plus…), la peine minimale sera de 18 mois d’emprisonnement. Autre exemple, pour un crime puni de vingt ans de réclusion criminelle (vol à main armée, viol aggravée…), la peine minimale sera de 10 ans d’emprisonnement.
La justice plus réactive ?
Il est toutefois prévu que le tribunal pourra tout de même « prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentés par celui-ci », afin de respecter le principe constitutionnel d’individualisation de la peine. A noter que, pour certains délits comme les violences volontaires, le fait que l’infraction soit commise à l’encontre d’un professionnel de santé dans l’exercice de ses fonctions est d’ores et déjà une circonstance aggravante, ce qui augmente la peine maximale encourue.
Si elles sont fréquentes en droit anglo-saxon, les peines planchers sont très rares en droit français. Tout juste est-il prévu qu’un crime ne peut être puni de moins d’un an d’emprisonnement et qu’un crime punissable de la perpétuité (comme l’assassinat) ne peut être sanctionné de moins de deux ans de prison. En 2007, un système de peine plancher s’appliquant aux délinquants récidivistes avait été mis en place, avant d’être aboli en 2014.
Si les juges restent donc en principe libre des peines qu’ils infligent, il semble que les magistrats aient pris conscience de la nécessité d’infliger des sanctions dissuasives aux auteurs de violence contre des professionnels de santé. En août dernier, un individu qui avait menacé un praticien de SOS Médecin avec une arme factice avait écopé de cinq ans de prison à Mulhouse. Quelques jours plus tard, ce sont deux hommes qui avaient été condamnés de 24 et 18 mois de prison à la Réunion après avoir agressé et menacé un médecin dans son cabinet. Des peines lourdes qui avaient été salués par les syndicats de médecins.
Grégoire Griffard
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