Procès AP-HP : Un témoin très à charge raconte le harcèlement moral subi par le Pr Mégnien

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Un témoin à charge, des prévenus qui en prennent pour leur grade et le ton qui monte. Au procès de l’AP-HP pour harcèlement moral, le tribunal correctionnel a tenté le 14 juin, de comprendre le contexte du suicide du cardiologue, Jean-Louis Mégnien, en 2015.

Procès AP-HP : Un témoin très à charge raconte le harcèlement moral subi par le Pr Mégnien

© IStock

Le témoin en costume cravate qui s'avance à la barre est professeur, comme trois des hommes, également en costume cravate, assis sur le banc des prévenus.

Comme l'était aussi Jean-Louis Mégnien, professeur en cardiologie de 54 ans, père de cinq enfants, qui s'est jeté par la fenêtre de son bureau du septième étage de l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) en décembre 2015.

Jean-Louis Mégnien n'était "pas un proche, pas un ami", mais "un collègue", précise rapidement le témoin, Bernard G.

Les deux hommes ne se sont croisés que deux fois mais se parlaient régulièrement au téléphone en 2014. Jean-Louis Mégnien racontait les "manœuvres" de sa hiérarchie, les "pressions" et le "harcèlement" qu'il subissait selon lui, pour le pousser vers la sortie.

"Est-ce que vous avez remarqué une fragilité particulière ?", demande le tribunal à Bernard G., qui est psychiatre.

"J'ai senti quelqu'un de très affecté par cette situation, comme un animal traqué" devant qui "se fermaient toutes les issues", répond le témoin.

« Il y a à l’hôpital des enjeux de pouvoir considérables »

"Il y a à l'hôpital des enjeux de pouvoir considérables, certains savent gérer, d'autres moins bien", dit encore le Pr Bernard G.

Etait-ce plus "désagréable" à l'hôpital Pompidou qu'ailleurs ? Interroge la procureure. "Je dirais que c'était particulièrement aigu, mais faut pas croire que dans les autres hôpitaux, nous soyons chez les bisounours."

Effectivement, pendant ses trois heures d'audition, Bernard G. n'est pas tendre avec les trois professeurs responsables hiérarchiques de Jean-Louis Mégnien, la directrice de l'hôpital de l'époque, et le représentant légal de l'AP-HP, tous sur le banc des prévenus.

Le professeur Alain S., supérieur direct de Jean-Louis Mégnien ? "Affreux", "sans foi ni loi". La directrice Anne C. ? "Elle avait des codes couleurs pour les chirurgiens - bleu pour corrects, jaune pour faiblards", "elle faisait pleurer les secrétaires".

« L’AP-HP a très vite montré une volonté d’étouffer l’affaire »

Quant à l'AP-HP, "on a très vite vu une volonté d'étouffer l'affaire", "le réflexe des institutions c'est de dire on a tout fait, c'est ce pauvre monsieur qui avait des problèmes personnel".

"On ne peut pas dire n'importe quoi dans une salle d'audience !", finit par exploser un avocat de la défense.

"Si, on entend souvent n'importe quoi", nuance dans un sourire la présidente, qui demandera régulièrement à ce que l'audience reste "digne", menaçant même de suspendre, alors que les avocats d'un côté et de l'autre du prétoire s'échangent des remarques acerbes et que le témoin répète que ces interruptions sont "insupportables".

Assise devant son avocate, la veuve du professeur Mégnien reste impassible.

"Vous êtes l'avocat de qui ?", demande le témoin à Me Ralph Boussier, qui s'apprête à lui poser ses questions. De la directrice, "c'est pour ça que je ne vous aime pas", répond l'avocat, se faisant fusiller du regard par le tribunal.

"Il lance des accusations depuis deux heures alors qu'il est le vice-président de l'association partie civile", justifiera l'avocat de la défense.

Bernard G. - témoin cité par le parquet - est en effet l'un des membres fondateurs de l'association des "amis de Jean-Louis Mégnien" créée après le suicide du cardiologue. Mais il l'a quittée "depuis longtemps", jure-t-il au tribunal.

La famille Mégnien conteste la constitution de partie civile de cette association, estimant qu'elle veut surtout régler ses comptes avec l'AP-HP.

Peu bavard depuis le début du procès, le représentant de l'AP-HP veut réagir à la déposition du témoin. Il rappelle la venue à l'hôpital du Directeur général de l'AP-HP de l'époque, Martin Hirsch, pour une réunion spéciale "dès le lendemain" du suicide, l'enquête administrative, le plan mis en place pour "mieux prévenir les risques psychosociaux dans les hôpitaux"...

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/la-descente-aux-enfers-du-pr-megnien-racontee-au-proces-de-lap-hp-quand-trois-medecins

"Il y a eu une réaction considérable de l'AP-HP pour que ça ne se reproduise plus", insiste-t-il.

Le procès se poursuit jusqu'au 7 juillet.

Avec AFP

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