AP-HP : Martin Hirsch « quitte le navire après l'avoir commandé pendant neuf ans »

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Emblématique mais contesté patron de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch quittera ses fonctions à la fin du mois sur fond de crise sans précédent de l'hôpital public.

AP-HP : Martin Hirsch «  quitte le navire après l'avoir commandé pendant neuf ans »

A l'aube de la vague du Covid-19 qui allait déferler sur le système de soins, il avait promis "un modèle hospitalier différent de ce qu'il a été avant, plus proche de nos attentes et de nos ambitions à tous".

C'est officiellement parce qu'il s'estime incapable de tenir cet engagement que M. Hirsch, 58 ans, a annoncé son départ de ce mastodonte du système de santé qui emploie plus de 100 000 personnes et fait fonctionner 38 hôpitaux. Il était son directeur général depuis 2013.

Dans un courrier aux personnels, le haut-fonctionnaire médiatique à la personnalité atypique affirme : "C'est parce que j'ai pensé ne pas pouvoir réunir toutes les conditions pour que cet engagement soit respecté que j'ai décidé, il y a un mois, de remettre mon poste de directeur général de l'AP-HP à la disposition du gouvernement".

"Je suis convaincu que beaucoup de maux dont nous souffrons appellent des changements de même ampleur que ceux qui avaient été réalisés en 1958, quand l'hôpital universitaire avait été repensé pour lui redonner force, noblesse et attractivité", a-t-il complété.

Des propos qui résonnent, au moment où le système de santé français et en particulier l'hôpital public font face à une crise conjoncturelle et systémique qui le font trembler sur ses bases.

Hôpitaux engorgés, déserts médicaux croissants, "perte de sens" du métier pour les personnels, services d'urgence au bord de la syncope : les plaies du système de soins sont à vif au sortir de plus de deux ans de pandémie qui ont essoré les soignants.

Avec l'école, c'est l'un des deux grands chantiers du nouveau quinquennat d'Emmanuel Macron qui a prévu de lancer en juillet sa grande conférence sur la santé avec à la clef une "vraie révolution collective à faire".

Dans sa lettre aux personnels, M. Hirsch fait part de son "rapport passionnel" à l'institution et à ceux qui la font vivre mais délivre aussi quelques piques.

"C'est un vrai tueur. Il a accéléré les processus déjà en cours de l'hôpital public"

"A l'AP-HP, on trouve toujours ce qui fait le plus vibrer : la solidarité, le soin, la transmission, l'innovation, l'assistance, le service public. On y trouve encore aussi ce qui fait le plus rager : les rigidités, les pesanteurs, les rivalités et les égoïsmes, les forces d'inertie, le dénigrement", a-t-il écrit.

"C'est un vrai tueur. Il a accéléré les processus déjà en cours de l'hôpital public", commente, acide, Christophe Prud’homme, médecin urgentiste au Samu 93 et responsable à la fédération CGT de la Santé et Action sociale.

"Sa démission est un non-évènement, nous avons peu d'espoir que la situation change avec son successeur", a poursuivi le syndicaliste auprès de l'AFP. Des médias spéculent sur l'arrivée prochaine à la tête de l'AP-HP de l'ex-directeur de cabinet de Jean Castex à Matignon, Nicolas Revel.

"Il quitte le navire avant qu'il ne sombre après l'avoir commandé pendant neuf ans", tacle encore Marion Malphettes, médecin au service d'immuno-pathologie - menacé de fermeture - de l'hôpital Saint-Louis à Paris.

En mai, un collectif de médecins avait publié dans les Echos une tribune au vitriol dénonçant son "bilan désastreux" et listant une situation budgétaire "dégradée", une attractivité en berne ou encore sa "brutalité" envers les personnels.

Martin Hirsch entretenait par ailleurs des rapports notoirement difficiles avec l'exécutif régulièrement agacé par des prises de position jugées parfois urticantes ou trop alarmistes pendant la crise sanitaire, ont rapporté plusieurs sources gouvernementales.

Interrogée sur le départ du patron de l'AP-HP, la nouvelle ministre de la Santé Brigitte Bourguignon en déplacement dans la Vienne, a sobrement "salué le travail qu'il a fourni pendant ces années pour le service public".

Longtemps estampillé à gauche mais membre du gouvernement de Nicolas Sarkozy, M. Hirsch est connu pour son franc-parler. Il est aussi à l'origine du revenu de solidarité active (RSA), qui a succédé au revenu minimum d'insertion (RMI).

Avec AFP

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