Manque d'internes dans les hôpitaux : pourquoi, comment, combien ?

Article Article

Le Pr Matthieu Durand, chirurgien urologue et chef de service au CHU de Nice, mais aussi fondateur de What’s up Doc, dresse aujourd’hui un constat critique : la pénurie d’internes, actuelle et à venir.

Manque d'internes dans les hôpitaux : pourquoi, comment, combien ?

Un hôpital sans interne... 

© Midjourney x What's up Doc

Le manque d'internes dans les CHU et hôpitaux est un problème complexe qui résulte de plusieurs facteurs et qui varie selon les spécialités et les régions. À cela plusieurs raisons, parmi lesquelles on peut citer a minima :

  • Le changement en cours des ECNi vers les EDN :

La note discriminatoire de 14 sur 20 à la première session des EDN d’octobre 2023 va in extenso entraîner une diminution du nombre d’internes éligibles, puisque les étudiants avec une note inférieure à 14 ne seront pas autorisés à devenir internes. Un mal pour un bien… peut-être, mais en tout cas, cela va impacter directement le nombre d’internes de la promotion 2024 (voir ci-dessous les détails chiffrés).

  • Des conditions de travail difficiles :

Les internes sont souvent confrontés à des conditions professionnelles stressantes, avec de longues heures de travail, des gardes fréquentes et un équilibre vie professionnelle-vie personnelle difficile à maintenir. Cette situation, décriée à juste titre par les internes et les syndicats d’internes, et qui ne peut plus durer, influence nécessairement les choix de spécialités… Des choix qui peuvent être effectués en fonction de ce seul critère, quel que soit l’intérêt pour la spécialité.

  • L’attrait variable des spécialités :

Justement, certaines spécialités médicales sont plus attractives que d'autres, en raison de facteurs liés aux perspectives de carrière, à la rémunération (très mise en avant par les internes dans nos sondages sur What’s up Doc) ou au temps de formation. D’où des disparités en termes de nombre d'internes selon les spécialités.

Concrètement, en chiffres ? On peut déjà calculer combien d’internes on aura… en moins en novembre 2024. Pour cela, il faut se souvenir qu’en novembre 2023, 9 312 internes au total (CESP et Européens compris) avaient débuté leurs stages à l’issue des ECNi.

 

« On peut déjà calculer qu’il y aura 800 internes de moins que l’année dernière... alors qu’on en attend plus. »

 

Ensuite, il faut considérer que pour cette année universitaire en cours, 2023-2024, deux types d’étudiants en fin de cycle cohabitent :

- les étudiants redoublants de 6e année qui vont passer les derniers ECNi en juin 2024 (ancien internat) ;

- les étudiants qui sont arrivés en 6e année et en 5e année et qui passent les EDN, c'est-à-dire les écrits déjà réalisés d’octobre 2023 et les ECOS à venir de mai 2024 (nouvel internat).

En chiffres, cela donne donc pour l'année universitaire 2023-2024 :

- 565 étudiants redoublant leur 6e année ;

- 7 944 étudiants qui devraient se présenter aux ECOS des 28 et 29 mai, correspondant à ceux qui ont réussi la session 1 ou la session 2 de rattrapage aux EDN.

 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/classement/etablissements/2024

 

Au total, cela ferait un effectif maximum de 8 509 internes (si et seulement si tout le monde réussit ses ECOS… peu probable évidemment) qui deviendraient internes et prendraient leurs fonctions selon leurs choix au 2 novembre 2024.

S’y ajouteront peut-être quelques internes issus du CESP et de l’Europe. Mais globalement, si l’on considère cette prospective, on peut déjà calculer facilement qu’il y aura… 800 internes de moins que l’année dernière… Alors même que tout le monde en attend plus.

Ça va donc être très compliqué. Voilà la réalité !

Les gros dossiers

+ De gros dossiers