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What’s up Doc : Vous faites partie des rares médecins – en tout cas visibles – favorables à une régulation de l’installation de la profession, pourquoi ?
Laure Artru : On est beaucoup en réalité. Quand on est médecin et qu’on exerce, on n’ose pas dire trop fort ce qui déplaît aux jeunes médecins, par peur d’un remplaçant ou d’un successeur qui ne viendrait pas. Mais cette régulation elle est dans la tête de tous les « vieux ».
Ce que les jeunes médecins ne disent pas, parce qu’ils ne l’ont pas connue, c’est qu’il y a eu tout une période où la médecine était contrainte. C’était mon cas quand j’ai commencé. Lorsqu’on voulait travailler, on n’allait pas du tout là où on voulait. Il y avait tellement de médecins, on était obligé de racheter la patientèle de quelqu’un qui partait. Il ne serait venu à l’idée de personne d’aller visser sa plaque quelque part tout seul, car cette personne n’aurait pas eu de patients. Mon mari, chirurgien vasculaire parisien, aurait bien voulu aller travailler dans une grande ville de province dépositaire d’un CHU. Mais ce n’était pas possible, les autres auraient refusé son installation, ou l’auraient boycotté.
« Les jeunes se rendent compte que la médecine est un métier de service »
Alors que s’est-il passé entre-temps ?
LA. : De 2000 à 2020, ça a été les « vingt glorieuses » du médecin. Le numerus clausus baisse, donc il a le monopole. « Je fais ce que je veux, je travaille si je veux, quand je veux et si possible pour le salaire que je veux ». Sauf qu’à présent, on est rattrapé par la réalité des pénuries et des gens qui meurent. Et les jeunes, qui ont embrassé ce beau métier pour la sécurité de l’emploi et pour le confort de vie, se rendent compte que la médecine est un métier de service. Et dans ce métier de service, la disponibilité, la garde et la permanence des soins, c’est quelque chose d’inhérent. Si tu veux être médecin, tu t’engages à soigner les gens qui en ont besoin.
Donc vous soutenez de manière inconditionnelle la proposition de loi Garot, dont l’examen reprend à l’Assemblée ?
LA. : Tout à fait. On est des « afficionados » de la loi Garot, puisque l’on a fait le tour de France des déserts médicaux avec les députés. Moins il y a de médecins, plus il faut réguler. Sinon, on risque d’avoir des régions entières sans aucun praticien. Chaque année, énormément de départements en perdent, alors qu’a contrario d’autres en gagnent, avec parfois des croissances exponentielles.
Cette loi, c’est une régulation très light, en réalité. Ce n’est pas la fin de la liberté d’installation, contrairement à ce que brandissent systématiquement les syndicats. On pourra toujours aller travailler à la mer ou à la montagne, au soleil ou en métropole. Il faudra juste attendre qu’un confrère s’en aille. Et puis, elle ne concernera que très peu les généralistes, car il en manque partout. De toutes manières, c’est normal qu’un généraliste ne puisse pas être le 36ème d’un même quartier de Biarritz. La loi Garot, c’est une mesure de bon sens. Et les médecins qui s’en plaignent sont des enfants gâtés. Il n’y a qu’à voir les autres professions de santé….
« Aujourd’hui les syndicats sont contre tout : contre la régulation, contre la délégation de tâches, contre la solidarité… »
Justement, un argument souvent mis en avant par les opposants à la régulation est qu’elle n’a jamais fait ses preuves, ni à dans les autres professions de santé, ni dans les pays étrangers qui l’ont expérimentée.
LA. : En plus ils mentent ! Les infirmiers, kinés ou pharmaciens ne quittent pas le pays, parce qu’ils ne vivent pas l’enfer. L’enfer, c’est les syndicats qui l’inventent. D’ailleurs, on le voit : on manque moins d’infirmiers partout que de médecins. Je les rejoins sur le fait que la régulation n’est pas l’alpha et l’omega de tout, mais dire qu’elle ne marche pas dans les autres pays, c’est faux également. En Allemagne, ce sont les mêmes médecins eux-mêmes qui décident de l’endroit où vont aller leurs confrères.
Il est temps que l’on passe à autre chose avec cette histoire de régulation, car il y a pleins d’autres sujets pour améliorer l’état de santé des Français. Ce n’est plus tenable, on perd deux ans d’espérance de vie dans certains territoires.
Vous comprenez quand même les jeunes qui se sont mobilisés contre la loi Garot ?
LA. : Je trouve ça limite indigne. Les gens sont déjà en train de crever, ils vont crever un peu plus pendant le temps de la grève, à quoi cela rime-t-il ? D’autant que les grévistes pensent que leur mobilisation est bankable. Au contraire, ils ont une très mauvaise image dans l’opinion publique désormais. En vérité, les jeunes, quand vous les prenez un par un et que vous leur expliquez, ils disent : « Donc en fait c’est ça la loi Garot, c’est pas du tout ce qu’on nous raconte ! ». Mais je les comprends, avec tout ce que les syndicats leurs mettent dans la tête, moi aussi j’aurais pu faire faire grève…
« Je souhaite mobiliser les spécialistes volontaires du Mans pour assurer des consultations avancées quelques jours par mois dans les territoires qui ont en besoin »
Avec une voix à contre-courant de la majorité de la profession, vous devez faire l’objet de beaucoup de critiques…
LA. : De toutes manières, aujourd’hui les médecins sont contre tout : contre la régulation, contre la délégation de tâches, contre la solidarité… J’ai pris des coups, mais au fil du temps, je me suis construit une bonne carapace ! (rires) Et j’ai de la chance d’avoir un mari, convaincu comme moi, pour m’épauler. Mais il est vrai que les échanges sur internet sont parfois houleux. Mais je sais pourquoi je me bats. Quand je me suis rendue compte de l’ampleur du problème de la désertification médicale dans mon département en 2018, j’ai couru à l’Ordre des médecins. Je leur ai dit : « Bonjour me voilà à votre service pour qu’on résolve ensemble ce problème puisqu'il regarde avant tout les médecins ». Mais je me suis fait envoyer paître. C’est d’ailleurs comme cela que j’ai rencontré Maxime Lebigot, l’infirmier créateur de l’ACCDM. J’ai pris mes patients sous le bras et je l’ai suivi.
Justement, vous portez aussi un projet « Spécialistes solidaires » dans votre département, en quoi consiste-t-il ?
LA. : La solidarité, elle existe déjà dans la profession, y compris chez les spécialistes. Des dizaines de médecins spécialistes donnent déjà de leur temps pour aller faire des consultations avancées, quelques jours par mois, dans les hôpitaux de proximité. Mon idée à moi, c’est d’étendre ces mêmes consultations avancées aux maisons de santé pluridisciplinaires, dans les territoires de la Sarthe qui ont en ont besoin, avec des jeunes en formation. J’ai déjà deux points de chute dans le département, et un troisième en construction, de manière à pouvoir y travailler cinq jours par mois. C’est gagnant-gagnant : pour les patients, cela permet d’avoir accès à un spécialiste à tarif conventionnel sans faire des dizaines de kilomètres. Pour les médecins, c’est une belle ambiance, en plus d’être correctement payés. Le président de mon conseil départemental me soutient, c’est quand même assez louable !
Je ne pense pas que la carrière de deux médecins secteur 2 dans les années 2000 soit comparable à ce que vivent les généralistes secteur1 actuellement
Il y a une certaine indécence à vomir ainsi sur la jeune génération
Rhumatologue ! 68 ans ! no comment , tout est dit !
Encore une qui doit penser que l’état nous a payé les études ! Encore une qui pense qu’on est payé par l’état : non Madame , ce sont les malades qui nous payent et qui sont remboursés grâce à leurs cotisations !
Les pilotes de lignes , les contrôleurs de la SNCF sont ils eux aussi des enfants gâtés quand ils font grève?
Une précision : je n’ai pas lu l’ITW en entier car c’était les vomissements assurés ….
j’ai 73 ans et je plains nos tout jeune médecins car outre la difficulté d’exercer qui va progressant, la reconnaissance des patients et la solidarité entre médecins vont en diminuant . L’attractivité de la profession a du mauvais sang à se faire !
Toutes les études sont gratuites en France dès lors qu’il s’agit d’établissement public : fac droit, eco, géographie, psycho, informatique, ifsi( infirmière), administration des entreprises (iae), histoire, banque-assurance, finance….
Cette dame est présidente d’une association contre les « déserts médicaux » elle est donc payée pour ses fonctions….