Amylose cardiaque : le Pr Thibaud Damy souligne l’intérêt du vutrisiran et l’urgence d’un diagnostic plus précoce

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Avec des données à long terme, le vutrisiran s’impose comme un traitement prometteur contre l’ATTR-CM (ou amylose cardiaque). Thibaud Damy, professeur de cardiologie à l'hôpital Henri Mondor AP-HP et spécialiste du sujet, rappelle toutefois que « nous recevons trop souvent des patients trop tard, quand le cœur est déjà de pierre ». 

 

Amylose cardiaque : le Pr Thibaud Damy souligne l’intérêt du vutrisiran et l’urgence d’un diagnostic plus précoce

© Midjourney x What's up Doc

 

Un nouveau traitement, le vutrisiran, suscite l’espoir d’une meilleure prise en charge de l’ATTR-CM, mais encore faut-il identifier les patients à temps. Le traitement est actuellement autorisé pour les amyloses neuropathiques mais son autorisation française d’accès précoce a été refusée en mars 2025 pour les affections cardiaques. Néanmoins, Les résultats récent de l’étude HELIOS-B, présentés à l’European Society of Cardiology fin août 2025, montrent une réduction de 37 % du risque de mortalité toutes causes confondues ou du premier événement cardiovasculaire dans la population totale (p<0,001), et de 42 % en monothérapie (p<0,001). What’s Up Doc a donc interrogé le Professeur en cardiologie Thibaud Damy et spécialiste de l’amylose cardiaque, il prévient : « Les médicaments comme le tafamidis ou le vutrisiran empêchent la fabrication de nouvelles fibrilles amyloïdes, mais ils ne retirent pas celles déjà présentes. Si le cœur est déjà transformé en pierre, le retour en arrière n’est pas possible ».

 

Vutrisiran et tafamidis : des mécanismes complémentaires

Aujourd’hui, le tafamidis reste le standard dans l’amylose cardiaque. Mais le vutrisiran agit différemment par l’ARN interférent : « Pour l’un, il stabilise la protéine transthyrétine (TTR) afin d’éviter qu’elle devienne amyloïde ; pour l’autre, il supprime la production de la protéine », explique le Pr Damy. Faute d’étude comparative directe, il est impossible de déterminer lequel est supérieur. En revanche, « la combinaison pourrait être intéressante pour bloquer deux voies » et offrir un effet additif.

Les données de HELIOS-B suggèrent d’ailleurs un maintien du bénéfice clinique jusqu’à 48 mois, avec une amélioration moyenne de 8,95 points sur le score de qualité de vie KCCQ-OS et une réduction de 31 à 40 % des événements cardiovasculaires récurrents.

Le poids du sous-diagnostic

Au-delà des données thérapeutiques, le Pr Damy insiste sur un problème majeur : le retard diagnostique. « Le diagnostic est souvent fait quand le cœur est déjà très infiltré et insuffisant. Il est capital d’intervenir avant la survenue de l’insuffisance cardiaque ». Pourtant, les signaux existent : arthrose, canal carpien, ruptures tendineuses ou surdité doivent alerter. Trop souvent, ces signes ne déclenchent pas d’orientation vers une consultation cardiologique. Or, les médicaments comme le tafamidis ou le vutrisiran ne font que stabiliser la maladie : plus la prise en charge est précoce, plus elle est efficace.

Les femmes, grandes oubliées

« Il y a un sous-diagnostic majeur chez la femme », alerte le Pr Damy. En cause, l’application de normes masculines à l’épaisseur du myocarde : les femmes, ayant des cœurs plus petits, doivent présenter une hypertrophie plus importante pour être détectées. Résultat : elles sont diagnostiquées plus tardivement et perdent des années précieuses avant une prise en charge adaptée.

Des perspectives, mais sous contrainte

L’étude HELIOS-B a confirmé une réduction de 37 % du risque de mortalité toutes causes confondues dans la population totale (p<0,01) et une baisse significative des biomarqueurs cardiaques (NT-proBNP : ratio = 0,69 avec p<0,0001 ; troponine I : ratio =0,71 et p<0,0001). Des résultats robustes qui renforcent le potentiel du vutrisiran dans l’arsenal thérapeutique de l’amylose cardiaque.

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Mais son avenir dépendra aussi de contraintes économiques. « Ces traitements ouvrent des perspectives, mais tout repose sur notre capacité à repérer plus tôt les patients et à personnaliser la prise en charge » conclut le Pr Damy.

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