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Chaque année, Prescrire, acteur unique dans le monde médical pour son indépendance revendiquée par rapport au secteur pharmaceutique, liste une série de traitements « à éviter ».
Ils sont plus d’une centaine, certains mis à l’index de longue date comme l’emblématique Smecta, présent dans de nombreuses armoires à pharmacie contre les diarrhées mais jugé largement inefficace par Prescrire et potentiellement toxique par la présence de plomb.
Cette année, quatre traitements font leur entrée dans la liste, couvrant un large champ, de la gynécologie à la pneumologie.
« (Ils) exposent à des effets indésirables disproportionnés au regard d’une absence de démonstration d’efficacité clinique, d’une efficacité incertaine ou trop modeste par rapport à un placebo », résume la revue.
L’un de ces médicaments n’est pas disponible en France et, en tout état de cause, peu susceptible d’intégrer le quotidien des malades. Il s’agit de l’andexanet alpha de l’Américain Alexion, destiné à répondre en urgence à des hémorragies graves à l’hôpital mais lui-même soupçonné de pouvoir provoquer de lourds problèmes cardiovasculaires.
Mais les trois autres traitements ont vocation à être pris régulièrement par certains patients, car ils répondent à différentes affections chroniques. Signe que leur intérêt n’avait déjà guère convaincu les autorités sanitaires, aucun n’est remboursé en France.
Interrogés par l’AFP, des spécialistes se montrent partagés sur les choix de Prescrire, certains saluant l’indépendance de la revue mais jugeant parfois trop radicale une exclusion de médicaments susceptibles de soulager des affections pénibles pour lesquelles peu d’alternatives existent.
Ménopause : un traitement non hormonal contesté
Premier de ces médicaments : le fézolinétant, commercialisé sous le nom Veoza par le laboratoire néerlandais Astellas. Il vise à éviter les bouffées de chaleur aux femmes ménopausées et, contrairement à la majorité des médicaments dans ce domaine, ne fonctionne pas à base d’hormones.
Mais, selon Prescrire, il peut donner lieu, chez certaines femmes, à de graves hépatites. Un risque qui ne justifierait pas d’utiliser ce médicament tout juste arrivé dans l’arsenal des gynécologues.
« Comme toujours quand il y a un nouveau médicament, il y a eu beaucoup d’enthousiasme » chez les spécialistes, rapporte à l’AFP la gynécologue Anne Gompel, spécialiste des traitements de la ménopause, jugeant pressant de modérer cet élan.
Si elle admet « une inconnue majeure sur la toxicité » vu le manque de recul, elle se refuse toutefois à « jeter le bébé avec l’eau du bain » et estime que ce médicament peut être donné en dernier recours à des femmes chez qui les bouffées de chaleur sont intolérables mais les traitements hormonaux contre-indiqués, notamment après un cancer du sein.
Toux chronique : un espoir qui déçoit
Autre médicament récemment arrivé sur le marché et autre faux espoir, selon Prescrire : le géfapixant (Lyfnua), commercialisé par l’Américain Merck (MSD) et destiné à des patients atteints de toux chronique et réfractaire. Mais il cause fréquemment des troubles du goût, pointe la revue, évoquant aussi des craintes sur des risques de pneumonie.
Mais cette forme de toux chronique « n’a pas d’autre traitement et est extrêmement handicapante », déclare à l’AFP le pneumologue Laurent Guilleminault, spécialiste de la toux au CHU de Toulouse.
« Je ne pense pas que l’on puisse dire au patient : "On ne vous les prescrit pas parce que vous aurez des troubles du goût" », juge-t-il, trouvant par ailleurs pas convaincantes les études sur le risque, plus grave, de pneumonie.
Arthrose : un classique remis en cause
Dernier traitement ajouté à la liste, la chondroïtine – notamment vendue sous le nom Chondrosulf par le Suisse Ibsa –, cible une pathologie douloureuse et largement répandue : l’arthrose. Mais Prescrire souligne que son efficacité n’a jamais réellement été prouvée, alors qu’il peut, dans de rares cas, causer de graves réactions allergiques.
Ce traitement reste « moins dangereux qu’un opioïde ou même que du paracétamol », nuance auprès de l’AFP Francis Berenbaum, rhumatologue à l’hôpital parisien Saint-Antoine AP-HP.
Mais « s’il n’y a pas de bénéfice, le moindre risque grave est un risque de trop », reconnaît-il, soulignant plus largement que la prise en charge de l’arthrose doit d’abord passer par l’activité physique plutôt que par des médicaments.
Avec AFP
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