Propos sur la médecine : Érasme (et Rabelais), les médecins « maschemerdes »

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Texte de jeunesse rédigé à la toute fin du XVe siècle et probablement œuvre de commande, le bref Éloge de la médecine d’Érasme, comme le titre le laisse prévoir, célèbre les bienfaits de l’art d’Esculape. Dans la réfutation, il fait aussi entendre les arguments de ceux qui blâment les médecins : « les seules personnes qui peuvent tuer impunément », et qu’on accuse également d’être « scatophages ».

 

Propos sur la médecine : Érasme (et Rabelais), les médecins « maschemerdes »

© IStock 

Dans les disputes qui, en Italie au XVe siècle, visent à déterminer quel art est le plus utile, il est souvent affirmé que la médecine s’occupant du corps est moins noble que les disciplines relatives à l’âme, comme la philosophie. Dans les textes les plus satiriques, on ajoute que les médecins étudient non seulement le corps, mais aussi, très souvent ses déjections. Les disciples d’Asclépios* sont des familiers de la matière fécale.  Érasme précise que « certains par une raillerie empruntée à l’ancienne comédie appellent les médecins scatophages, c’est-à-dire mangeurs d’excréments » (p. 24).

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Ce mot de « scatophage » est utilisé par Aristophane, en effet, pour parler précisément d’Asclépios dans sa pièce intitulée Ploutos. Rabelais qui goûte le lexique grec s’en souvient aussi quelques années plus tard. Il donne la définition de ce mot dans la Brève Déclaration (sorte de glossaire qui suit le Quart Livre) : « Scatophages. Maschemerdes: vivens de excremens. Ainsi est de Aristophanes in Pluto nommé AEsculapius en mocquerie commune a tous medicins ». Non seulement Rabelais aime les hellénismes, mais il est aussi un forgeur fécond de néologismes : « maschemerdes » n’est cependant pas resté dans la langue française, contrairement au mot « scatophages » qui évoque désormais moins les médecins que les mouches.

*Dieu grec de la médecine

Source:

Source : Érasme, Éloge de la médecine, traduction française de Dominique Bockstael, remaniée par Alain Van Dietvoet et Jean-Pierre Vanden Branden, Bruxelles, Labor, 1997.

 

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