
Dr Christophe Prudhomme.
© DR.
Une canicule de plus, une alerte de trop
Chambres d’hospitalisation à 35 °C, absence de climatisation, sous-effectif chronique aggravé par les départs en vacances, fermetures de lits… Pour le porte-parole de l’AMUF, l’hôpital public ne peut plus absorber le surcroît d’activité généré par la chaleur : « Cet été, des gens vont rester 24 à 48 heures sur des brancards. C’est source de surmortalité. »
Il pointe une réalité bien connue des soignants : ce ne sont pas les patients « non urgents » qui bloquent les urgences, mais l’impossibilité de faire monter ceux qui le nécessitent en hospitalisation. « Le vrai problème, c’est quand on veut hospitaliser une personne et qu’on n’a pas de lit. »
Surmortalité évitable, inégalités territoriales flagrantes
Christophe Prudhomme rappelle les chiffres : +9 % de surmortalité chez les patients hospitalisés sur brancard, +30 % pour les cas les plus graves. Il dénonce un effondrement du principe d’égalité d’accès aux soins, notamment dans certains territoires comme les Alpes-de-Haute-Provence, la Mayenne ou la Seine-Saint-Denis : « Une heure de route pour un hôpital, c’est une perte de chance. »
Il appelle les citoyens concernés à se mobiliser : « Ceux qui ont vécu cette situation devraient porter plainte, non contre les soignants, mais pour que l’État soit mis sous pression et remplisse enfin ses responsabilités. »
Adapter les traitements à la chaleur : rôle clé des médecins
Au-delà du constat, le médecin délivre des messages pratiques importants, en particulier à l’attention des prescripteurs. Il insiste sur la nécessité d’adapter certains traitements en période de fortes chaleurs : psychotropes, antihypertenseurs, diurétiques…
« Beaucoup d’appels au SAMU sont dus à des traitements non adaptés à la chaleur. Il faut que les médecins traitants appellent leurs patients à risque pour réévaluer les doses. »
Il rappelle également que l’arrêt de la sudation est un signe d’alerte grave, indicateur d’une déshydratation avancée : « Dès qu’on ne transpire plus, on est déjà en danger. »
Prévention, inégalités, priorités politiques
L’urgentiste plaide pour une refonte structurelle des politiques de prévention : végétalisation des écoles, îlots de fraîcheur urbains, rénovation thermique des logements, rythmes de vie à adapter. « On n’a pas tiré les leçons de la canicule de 2003, ni de la crise Covid. »
Mais au-delà de la technique, il soulève une question politique plus large : celle de la hiérarchie des priorités. « On nous demande 20 milliards d’euros d’économies. Moi je dis : qu’on nous dise les patients qu’on ne doit plus soigner. »
Il appelle à un débat public sur les choix budgétaires, interrogeant la place accordée à la santé face à d’autres domaines : « Il va falloir choisir. Plus d’argent pour l’armée ou pour l’hôpital ? Plus pour les entreprises du CAC 40 ou pour le service public ? »
Une alerte médicale et syndicale
Comme à son habitude, Christophe Prudhomme mêle l’analyse médicale à l’engagement syndical. Il redoute une nouvelle vague de départs dans les services d’urgence à la rentrée. « À chaque été, on perd du personnel. »
Son message s’adresse autant aux pouvoirs publics qu’à ses confrères : « Le tri aux urgences est notre quotidien. Mais aujourd’hui, on trie dans des conditions indignes. Et cela coûte des vies. »
A voir aussi

Le baluchonnage, ce dispositif de répit pour les aidants que vos patients doivent connaître

Une étude montre que la mortalité infantile en France n'a augmenté que dans les familles les plus pauvres
