« Les médecins libéraux ont envie de déplaquer alors même que le système de santé a vraiment besoin d’eux, c’est dramatique »

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Difficile pour le moment d’avoir des chiffres sur le pourcentage de cabinets libéraux fermés. Mais Noelle Cariclet, porte-parole du mouvement Médecins pour Demain, à l’origine de la grève, s’est exprimée hier matin sur RTL, pour bien redéfinir le contexte et les revendications de l’ensemble des médecins libéraux, généralistes et spécialistes.

« Les médecins libéraux ont envie de déplaquer alors même que le système de santé a vraiment besoin d’eux, c’est dramatique »

Noelle Cariclet, porte-parole de Médecins pour demain.

© DR.

« Les médecins ferment leur cabinet. Vous savez l’hôpital est sous tension depuis des années, la médecine libérale également. Nous avons tous déjà manifesté de manière silencieuse avec des brassards, des affiches, et nous n’avons jamais été entendus. Aujourd’hui l’heure est grave, les patients sont en danger dans la mesure où la médecine est dégradée que ce soit à l’hôpital ou en médecin de ville, et on n’a pas trouvé d’autres solutions malheureusement que de faire ce mouvement de grève afin d’alerter les pouvoirs publics sur nos difficultés et sur nos revendications.

« Nous n’avons pas trouvé d’autres solutions malheureusement que cette grève afin d’alerter les pouvoirs publics sur nos revendications »

Des conditions de travail de 50 à 60 heures par semaine en cabinet, des charges administratives qui remplissent 20% de notre temps de travail, des patients toujours plus en souffrance, qui sortent souvent de l’hôpital instabilisés, parfois trop tôt. Un médecin sur deux est en burnout en ce moment dans la profession libérale, donc des médecins qui ont envie de déplaquer, qui ont envie d’arrêter le métier. Et c’est dramatique, à l'heure où un tiers des médecins aujourd’hui ont plus de 60 ans.

Aujourd’hui nous avons besoin d’une incitation forte, d’une attractivité pour que nos jeunes médecins s’installent. Il faut savoir qu’aujourd’hui seulement 10% des étudiants vont s’installer à la fin de leurs études. Les jeunes médecins n’ont pas envie de s’installer en libéral du fait des conditions de travail. Du coup on assiste à ce phénomène de fuite des médecins en libéral alors même que le système libéral devrait pouvoir soutenir l’hôpital qui est en grande difficulté lui-même depuis très longtemps.

« Un médecin sur deux est en burnout en ce moment dans le libéral »

Nous demandons une augmentation du tarif des consultations, donc 50€ pour les généralistes, mais également une augmentation pour les spécialistes qui sont paupérisés. Je pense aux psychiatres, aux pédiatres, aux endocrinologues qui sont très rares sur le territoire. Cette augmentation nous la demandons, dans ce bras de fer qui est en cours avec la caisse d’assurance médecine, puisque les négociations ont lieu en ce moment, pour une réévaluation des tarifs conventionnés. Aujourd’hui un médecin peut se déconventionner et pratiquer les tarifs qu’il veut, avec assistant, secrétaire etc. Mais cela induit une médecine à deux vitesses que nous ne voulons surtout pas, cette médecin où seuls les patients qui ont les moyens pourraient se payer des soins.

« Aujourd’hui un médecin peut se déconventionner mais c’est accepter une médecine à deux vitesses, que nous ne voulons surtout pas »

J’ai été invitée par le syndicat UFML pour exposer nos revendications, les négociations sont au point mort. Nous avons également été entendus par notre ministre, François Braun, l’échange a été cordial mais rien n’a avancé. Mais surtout nous avons fait grève les 1er et 2 décembre et le soir même le PLFSS est passé dans un mépris gouvernemental total, avec un 7e 49.3, le jour même de notre grève.

Jusqu’à maintenant rien n’est concrètement sur la table après deux plénières et deux bilatérales, nous n’avons toujours pas parlé de tarification. On a l’impression qu’on se fait balader, que nos revendications ne sont pas importantes.

Depuis que j’ai commencé la médecine, cela fait maintenant 30 ans, j’entends parler d’économie de santé. On ne peut pas faire d’économie de la santé. La Santé ça a un coût, certes, mais c’est avant tout un investissement. A partir du moment où les patients sont pris en charge correctement, ce sont des patients qui vont travailler, qui ont des arrêts de travail qui sont moins longs, et qui peuvent rapporter de l’argent à l’état. Et donc on ne prend pas le problème du bon côté. Il faut voir cette dépense comme un investissement fructueux pour toute la population.

« La Santé ça un coût certes, mais c’est avant tout un investissement »

Ce qu’il faut savoir c’est que la dégradation du système de santé est très médiatisée en ce moment, mais si vous allez à n’importe quel moment de l’année dans les services d’urgence, ou en soins hospitaliers tout court, vous verrez des urgentistes, des infirmiers, des aides-soignants qui sont saturés. Et c’est pour ça qu’il faut absolument agir et au plus vite. Ils sont saturés malgré tout leur dévouement toute l’année. Donc cette grève arrive à un moment compliqué mais qui est aussi le reflet de la difficulté dans laquelle se trouve le système de santé aujourd’hui. Et elle n’aurait jamais dû avoir lieu. Cette grève est prévue depuis 3 mois, les revendications sont annoncées clairement.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/si-letat-continue-comme-ca-dans-4-ou-5-ans-il-ny-aura-plus-de-medecins-liberaux

Nous avons fait des grèves silencieuses, nous n’avons pas été entendus les 1er et 2 décembre, il ne tenait qu’à nos gouvernants de nous rencontrer et faire en sorte que cette grève n’arrive pas le 26 décembre. »

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