Juste la fin du week-end - Critique de « Nino » de Pauline Loquès

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Nino aura eu un cancer ORL avant ses 30 ans. A peine 72 heures séparent l’annonce diagnostique de la première séance de chimiothérapie. Un délai qui suffit à conférer une dimension existentielle à une prise de décision qui pourrait paraître banale dans toute autre circonstance…

Juste la fin du week-end - Critique de « Nino » de Pauline Loquès

Théodore Pellerin dans Nino de Pauline Loquès.

© DR 

Doublement lesté par des effets voire des efforts scénaristiques trop visibles ainsi que par la prise de pouvoir cinégénique opérée, probablement à leurs esprits défendants, sur et par son acteur principal, le film de Pauline Loquès, bien que non dénué de charme et de profondeur, ne parvient jamais à convaincre. 

C'est comme ça, parfois. Ces films à qui il ne manque pas grand chose pour être touchés par la grâce, qui en possèdent certains ingrédients - la façon de capter le physique et le jeu d'un acteur, le sujet, la délicatesse des relations décrites et des sentiments suggérés - mais qui, irrémédiablement, finissent par nous laisser de côté. Ansi en est-il de Nino, premier film porté par une esthétique certaine, sorte de revisite de Cléo de cinq à sept qui côtoierait le Paris de Souleymane et ferait écho, par sa légèreté apparente et les marivaudages non aboutis et non assumés de son jeune héros, à la façon qu’avait Rohmer de capter une certaine jeunesse.

Théodore Pellerin semble tout droit issu d'un film de Xavier Dolan

Théodore Pellerin semble tout droit issu d'un film de Xavier Dolan. Il partage ses origines et on l'imagine sans peine être filmé par le regard dévorant de son aîné, comme l'avait été le regretté Gaspard Ulliel dans Juste la fin du monde, où il faisait d'ailleurs, ado, une apparition. Louis est ainsi un cousin éloigné de Nino, personnage entravé dans sa parole, celle d'un impossible aveu. Mais là où le premier avait par trop conscience de sa situation et des enjeux liés au fait de se confier, le second est saisi dans un moment où il ne lui est presque pas laissé le temps d’une prise de conscience. C'est ce passage précis sur lequel choisit de se centrer Pauline Loqués, et c'est sur cette très belle idée qu'elle tente de structurer son film.

Une réalisation qui échoue à transcender la délicatesse

Hélas, si le héros de Dolan était entouré de personnages passionnants - dans leur démesure mais pas que -, Pauline Loqués ne trouve pour tenir compagnie au sien, probablement en raison du choix d'organiser le film en rencontres successives, que des caractères qui, passé les premières scènes prometteuses, celles avec la mère et l'ex, perdent progressivement de leur potentiel intérêt. Cette répétition qui conduit à l'accumulation ne se retrouve pas que dans le seul enjeu relationnel - disons celui d'une passivité séductrice qui se voudrait, à elle seule, attachante - mais également dans les artifices scénaristiques déployés avec acharnement pour apporter une cohérence à l'édifice narratif. Cette abdication devant le souci de crédibilité est en soi un échec car le film aurait pu, par ses autres qualités, se passer sans peine de vraisemblance. Dès la première scène, l'enjeu narratif, celui de l'annonce diagnostique, reposera ainsi sur une coïncidence. La progression ne sera dès lors garantie que par ce même procédé, qui pourrait se résumer en "comment ne pas parvenir à rentrer chez soi"...

En résulte un curieux déséquilibre, entre une histoire empêtrée par l'anecdote (disons celle d'une topographie parisienne très bobo) et une centration qui se voudrait hypnotique sur son acteur principal à la masculinité très actuelle. Une réalisation qui échoue à transcender la délicatesse voire finit par l'affadir et la rendre lisse, piégée par ses non-choix. En écho à son personnage?

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