La place du mort

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Ciné week-end: Juste la fin du monde, de X. Dolan (sortie le 21 septembre 2016)

La place du mort

Ce n'est pas parce que Xavier Dolan est un génie de la mise en scène qu'il réussit à tous les coups. Après l'électrochoc émotionnel Mommy, il était attendu au tournant. Et a profondément divisé, ce qui est souvent la marque des grands films. Ca tombe bien, Juste la fin du monde en est un.


Une famille soudée par les non-dits ; un des membres qui, après s'en être exclu volontairement, vient leur annoncer l'indicible ; une journée comme une dernière chance de les faire se comprendre, pour se rencontrer réellement. Et si c'était juste ça, la fin du monde ? Un sublime échec... Dolan adapte magnifiquement le film de Jean-Luc Lagarce et nous offre son film le plus abouti.

Il fallait le relever, ce défi d'adapter la pièce extrêmement littéraire de Jean-Luc Lagarce, dramaturge emporté par le Sida il y a vingt ans. Il fallait cette capacité à donner chair aux mots de Lagarce, stupéfiants de force et de vérité, à cette famille moribonde et asphyxiante, de laquelle le fils prodigue a vainement tenté de s'échapper. Si Dolan a conservé le thème central de l'incommunicabilité, il a conféré à l'œuvre sa fièvre et ses tourments d'enfant incompris. Et nous livre au final une adaptation immensément respectueuse de l'original, et pourtant profondément personnelle. On y retrouve ses obsessions majeures : la mort du fils, qui semble inéluctable, ainsi que, notamment, l'absence de père...

Cette famille désespérément emmurée dans ses émotions peut être vue comme l'antithèse du couple mère-fils à l'amour éruptif de Mommy. Revers d'une même médaille, les deux films finissent pourtant par se rejoindre dans l'illustration de l'échec d'individus à se rencontrer, à se réparer, à accéder à une parole vraie...

Distribution épatante

En filmant au plus près les émotions de Marion Cotillard, sublime de discrétion et d'empathie, et de Vincent Cassel, criant de sincérité, Dolan prouve à nouveau l'excellence de sa direction d'acteurs. En incarnant Louis, personnage central et quasiment mutique, Gaspard Ulliel accomplit un travail exceptionnel. Sa présence magnétique convoque les grands poètes disparus, écrivains fauchés par le Sida à l'aube des années 90, époque que Dolan n'a pas connue et de laquelle on le sent pourtant profondément proche...

Le reste de la distribution est d'autant plus épatant qu'il nous permet de redécouvrir, voire d'aimer des acteurs qui étaient un peu devenus les têtes à claque du cinéma français. Cette ambition chez Dolan de réhabiliter l'incompris et le mal-aimé ne manque pas de saveur.

Un film que l'on vous recommande sans réserve !

Source:

Guillaume de la Chapelle

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