
© Midjourney x What's up Doc
Dans quelques jours la publication au journal officiel du nombre de poste d’internat ouvert pour chaque spécialité médicale en 2025, déterminera le cours de la vie de milliers d’étudiant·e·s dont la mienne.
Derrière cette publication, il y a des destins. Des vocations. Des patient·e·s. Et aujourd’hui, je prends la parole pour qu’on n’oublie pas ce que ces chiffres représentent.
Je suis une étudiante en médecine classée dans les 4 900 au concours de l’internat 2025. Je me permets aujourd’hui de briser le silence sur la douleur immense qui m’habite aujourd’hui.
« Je ne pourrai peut-être pas exercer la spécialité qui est à la fois ma vocation et une nécessité pour des millions de femmes en France : la gynécologie médicale »
J’ai consacré les huit dernières années de ma vie à la médecine. Huit années de sacrifices, de nuits blanches, de moments familiaux manqués, de deuils mis entre parenthèses. Huit années pour avoir le droit de devenir un jour médecin.
Aujourd’hui, je suis à l’aube de ce rêve. Et pourtant, je ne pourrai peut-être pas exercer la spécialité qui est à la fois ma vocation et une nécessité pour des millions de femmes en France : la gynécologie médicale.
La France manque de médecins. C’est un fait. Mais elle manque aussi terriblement de gynécologues médicaux. 60% ont plus de 60 ans. Des régions entières sont des déserts médicaux pour la santé des femmes.
Pourtant, en 2024, il n’y avait que 74 postes ouverts en gynécologie médicale. Une spécialité de soins primaires. Une spécialité indispensable pour la santé sexuelle, reproductive, hormonale et psychique des femmes.
En comparaison, la médecine générale a plus de 3 000 postes ouverts. Et l’on continue à restreindre cette spécialité, comme si ses besoins n’existaient pas.
« Et pourtant, j’ai énormément travaillé, nuit et jour, j’ai fait passer la médecine avant tout et même parfois ma propre santé physique et mentale »
Mon classement ne me permet pas, aujourd’hui, d’accéder à cette spécialité. Et pourtant, j’ai énormément travaillé, nuit et jour, j’ai fait passer la médecine avant tout et même parfois ma propre santé physique et mentale.
J’ai validé tous mes partiels du premier coup avec environ 14 de moyenne, obtenu 15 de moyenne sur ce groupe de spécialité, saturé mes points de parcours mais ce ne sera pas assez.
Cette spécialité reste contre toute logique sanitaire, très sélective alors que les besoins sont là.
Ce n’est pas qu’un problème personnel. Derrière chaque poste non ouvert, ce sont des milliers de patientes sans rendez-vous. Ce sont des retards diagnostiques pour des cancers du sein, des infertilités laissées sans accompagnement, des douleurs gynécologiques niées, des violences sexuelles non prises en charge.
Ce sont aussi des vocations sacrifiées. Des destins brisés.
« Si rien ne change, combien seront obligés de renoncer à leur vocation ? Combien de femmes ne pourront pas être soignées ? »
J’écris ces lignes pour moi, mais surtout pour les générations qui viennent. Car si rien ne change, combien seront obligés de renoncer à leur vocation ? Combien seront privés de faire ce pour quoi ils ont donné huit, dix, parfois plus d’années de leur vie ?
Combien de femmes ne pourront pas être soignées ?
Il est temps de réagir. Il est temps d’ouvrir des postes à la hauteur des besoins. Il est temps de considérer la gynécologie médicale comme ce qu’elle est : une spécialité centrale pour la santé des femmes.
https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/le-prix-du-silence-lhopital-temoignage-dune-docteure-junior
Si vous souhaitez nous aider à changer les choses et permettre aux soignant·e·s de demain d’exercer leur vocation, merci de relayer ce message pour qu’il parvienne à celles et ceux qui, dans quelques jours, fixeront le nombre de postes ouverts par spécialité.
Il est peut-être encore temps d’agir.
Merci.
Marie S., une future médecin qui veut encore croire à sa vocation.