« On peut rater un examen… mais pas perdre 5 000 places au classement, et rester sans explications » : des internes à peine nommés, réclament de la transparence autour de la notation des ECOS

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Malgré des affectations désormais actées, la pilule reste amère pour nombre d’internes, déclassés par les ECOS et désemparés face à des grilles de notation jugées opaques. Tandis que le CNG se mure dans le silence, une nouvelle salve de recours se prépare : dès le 18 septembre, certains envisagent de saisir la CADA. Témoignages de Louis, Anna et Chloé.

« On peut rater un examen… mais pas perdre 5 000 places au classement, et rester sans explications » : des internes à peine nommés, réclament de la transparence autour de la notation des ECOS

© Midjourney X What's up Doc

Si désormais les dés sont jetés et que chaque interne a désormais choisi son affectation, sa spécialité, son CHU, la pilule reste amère pour plusieurs étudiants.

Début juillet, plusieurs d’entre eux nous avaient contacté à l’issue de la publication des résultats des ECOS. Parmi eux, Louis, Anna et Chloé qui ont perdu des milliers de places au classement suite à ces oraux. Et l’opacité qui, pour eux, entoure les grilles de notation à cette épreuve est en cause. 

Pourtant, en amont de l’examen, pas de quoi s’inquiéter pour les trois étudiants. Ils avaient pris très au sérieux les ECOS. « Aux écrits, j’avais un bon classement (environ 1 600), mais je ne me suis pas reposé sur mes acquis, j’ai continué à travailler. », explique Louis. 

De même pour Anna, classée 1200e après les écrits. La jeune femme affirme n’avoir rien lâché : « je révisais tous les jours et j’avais l’impression d’être prête. »

Après leur passage, Louis et Anna s’accordent à dire qu’ils n’ont pas le sentiment d’avoir échoué. 

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Chloé, elle, est plus nuancée. « Je n’ai pas très bien vécu l’oral. Sur le principe, j’étais pour ce format d’examen. C’était une bonne idée d’évaluer le relationnel et la prise en charge à l’oral plutôt que via un QCM. Mais ça a dérivé vers du par cœur. »

Louis la rejoint sur ce point. « On est notés sur des détails de formulation plus que sur un raisonnement clinique. » Chaque mot compte durant les ECOS, et peut fait perdre des points.

Anna va plus loin : « L’oral peut être pertinent, mais à mon sens en validation (apte/pas apte), pas en classement. Il y a forcément une part de subjectivité. Ça nuit à l’égalité des chances. »

Certains étudiants témoignent avoir fait face à un jury « froid et fermé, sans même un bonjour. »

Il faut dire que superviser des ECOS, demande beaucoup d’attention. Comme évoqué précédemment : rien ne doit être laissé au hasard. Pourtant, après plusieurs heures à noter des étudiants à la chaîne, la fatigue peut s’installer. « Je ne blâme aucunement le jury, c’est le format de l’épreuve qui est à revoir selon moi », ajoute Chloé. 

Anna s’interroge également sur la pondération des ECOS : 30% de la note est attribuée aux ECOS pour 2 heures d’épreuves contre 12h d’épreuves écrites qui ne comptent « que » pour 60 %.

Le CNG reste insensible

Et pour les trois étudiants, donc, cette épreuve les a fait chuter vertigineusement au classement. « J’étais 1600e, je suis tombé à 7500, raconte Louis. On peut rater un examen, bien sûr, mais passer d’un bon classement au bas du tableau en ayant travaillé sérieusement… ça demande des explications. »

C’est ce manque de transparence qui ronge autant Louis que Chloé et Anna.

L’an dernier déjà, des étudiants avaient saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Cette dernière avait rendu un avis favorable à la publication de grilles standardisées : « La commission estime que peuvent seulement être communiquées les grilles d’évaluation standardisée vierges, telles qu’élaborées par le conseil scientifique en médecine pour la session 2024. » 

Pourtant, cette année à nouveau, le Conseil National de Gestion (CNG) en charge des concours refuse de les publier. « Plusieurs étudiants ont écrit des mails, envoyé des recommandés. Les réponses sont fermées : ‘on ne publie pas les grilles’ », confie Chloé.

« On sacrifie six ans de sa vie, on révise des mois entiers… et tout peut basculer à cause d’oraux qui durent deux heures. »

Louis, au cours de l’été, a continué les démarches. Il a contacté son député pour que celui-ci attire l’attention du ministère : pas de nouvelles. « J’ai aussi lancé un recours gracieux qui reste sans réponse, déplore le jeune homme. C’est une stratégie d’usure. »

À partir du 18 septembre, il pourra saisir la CADA. « C’est aberrant d’aller au tribunal pour un droit aussi basique : avoir accès au détail de ses notes. »

Au niveau des facultés, chaque étudiant a eu une expérience différente. « Dans mon cas, le doyen est bienveillant, mais il ne peut pas agir concrètement. Il n’y a que le CNG qui puisse agir… Mais ils nous ignorent », déplore Anna.

Chloé, elle, n’a pas l’impression d’avoir été écoutée ou soutenue par ses professeurs ou le doyen. 

Contacté par nos soins, le CNG n’a pas souhaité s’exprimer. De même, la Conférence des Doyens n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Un silence qui pèse lourd

Les étudiants en quête de réponses se trouvent alors abandonnés. « S’il y avait la grille, je pourrais me dire : ‘D’accord, j’ai raté, j’accepte et j’avance.’ Là, le doute me ronge : qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour chuter de 5 000 places au classement. »

Chloé avait pour projet de se spécialiser en médecine légale. « C’est pour ça que je suis entrée en médecine. » Avec son classement, cela lui a été impossible. « J’ai eu des idées noires. Mon monde s’est écroulé en une seconde. On sacrifie six ans de sa vie, on révise des mois entiers… et tout peut basculer à cause d’oraux qui durent deux heures. C’est extrêmement violent. » 

Cette détresse psychologique n’est pas un cas unique. Anna témoigne avoir entendu plusieurs apprentis médecins parler d’un profond mal-être, et comme Chloé « d’idées noires ».

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Louis, nous explique avoir pu choisir la pneumologie. Chloé, elle, se dirige vers la psychiatrie. Des seconds choix faits avec plus ou moins d’enchantement. Pour Anna, malgré sa chute dans le classement, elle a pu choisir médecine générale et en est très contente.

Moralement, c’est toujours difficile pour Chloé. « C’est sans solution. Ceux qui ne sont pas en médecine ne comprennent pas vraiment l’impact ni l’enjeu. On finit par se dire qu’il n’y a rien d’autre à faire qu’accepter. Mais je n’arrive toujours pas vraiment à réaliser ce qui se passe. » Elle ajoute regretter d’avoir choisi la médecine, mais ne plus avoir la force de reprendre des études.

Louis non plus ne parvient pas à accepter cette opacité quant à ses résultats, ou même aux grilles vierges. C’est toujours « difficile à gérer », rapporte-t-il.

Enfin, Anna questionne le système de publication en deux temps, avec un classement provisoire après les écrits puis bouleversé par les oraux : « Ça crée des faux espoirs, on croit que c’est bon et puis on s’effondre quand tout change. »

 

*Par soucis d’anonymat, les prénoms ont été modifiés

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