Nous sommes tous responsables

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La branche assurance maladie de la Sécurité Sociale est déficitaire. Déficitaire au niveau des hôpitaux, des médicaments, des examens. Et nous sommes tous responsables !

Nous sommes tous responsables

A l’hôpital, le gâchis est incroyable, tant pour les hospitalisations que pour les examens. Nous, je dis bien nous, ne réfléchissons pas toujours à la quantité d’examens réalisés, ni à la diversité des médicaments prescrits. Nous délaissons les médicaments plus anciens pour ceux ultra modernes qui n’apportent souvent pas grand chose. Nous avons là des sources importantes d’économie.

 

Au niveau des laboratoires pharmaceutiques, l’exagération est incontestable, concernant le médicament et son conditionnement. Une boîte contient souvent 28 comprimés pour une prescription de 30 jours.

Il est incroyable de voir les disparités de prix pour des molécules identiques ou presque. J’ai souvent pris l’exemple des « Pril », anti-hypertenseurs très efficaces. Ils sont remboursés sur la base de 1 et 1,5 sauf pour celui de chez Servier, remboursé sur la base de 2,3. Pourquoi cet écart ? Pourquoi nos médicaments sont plus chers que ceux des autres pays européens ? Comment se fait-il que nous utilisions des médicaments d’efficacité modérée ou nulle ? Sur les 12500 médicaments vendus en pharmacie, moins de la moitié sont véritablement utiles !

 

Nous sommes aussi fautifs, nous, médecins de ville. Qui n’a pas vu quantité de médicaments inutiles allongeant infiniment les ordonnances de nos patients ? Qui n’a pas vu nombre d’examens prescrits de façon inutile ou répétée, sans se demander si les résultats influenceraient le traitement ?

 

Les pouvoirs publics sont également responsables. Ils ont fermé les yeux sur les dérapages de la Sécurité Sociale, les abus et fraudes : utilisation « conjointe » de la carte vitale, faux arrêts maladie, affections de longue durée distribuées « larga manu », parfois sans fondement. Combien de fois a-t-on tapé à leur porte pour dire qu’il y avait 10, 20 peut-être 30 milliards d’euros d’abus ?

Comment se fait-il qu’un malade pris à 100 % vienne en consultation en voiture et se fasse rembourser l’essence ? Comment se fait-il que certains malades bénéficient d’un VSL parce qu’il est préférable de ne pas conduire, non pour la maladie mais pour les embouteillages et les facilités de stationnement ?

 

Ce que j’ai dit de façon succincte va irriter, je m’en suis rendu compte depuis des années ! Avec Philippe Even, nous avons écrit en 2002 un livre au titre prémonitoire : « avertissement aux médecins, aux malades et aux élus ». Nous en avons écrit d’autres pour attirer l’attention de tous. Ils sont souvent restés sans écho.

Voici maintenant que nous en payons la note ! Et quand je dis « nous », ce sont tous les français. Nous avons une Sécurité Sociale à crédit. Nous avons fait des dettes, des emprunts pour mieux vivre nous-mêmes, sans penser à l’avenir de notre système de santé et de protection sociale. La dure réalité de la crise nous rappelle à nos devoirs. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

*Bernard Debré est professeur d'urologie à l'Hôpital de Cochin, Paris, membre du comité national d’éthique, député de Paris et ancien ministre

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