Mars Bleu : les professionnels de santé ne doivent pas baisser la garde

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Chaque année, le mois de mars est consacré à des opérations de prévention et dépistage pour lutter contre le cancer colorectal. Entretien avec le Dr Pierre Guibert, gastro-entérologue, centre Léon Bérard à Lyon sur les enjeux de Mars Bleu. 

Mars Bleu : les professionnels de santé ne doivent pas baisser la garde

« Sensibiliser au dépistage et à la prévention du cancer colorectal et un véritable enjeu car ce cancer est extrêmement fréquent et potentiellement grave. Pourtant, il existe des outils efficaces pour une prise en charge optimale », entame Pierre Guibert.

Depuis le 1er du mois, a débuté Mars Bleu, le mois consacré à la lutte contre le cancer colorectal qui touche 45 000 personnes chaque année et cause le décès de 17 000. Pourtant, avec une prise en charge rapide et un dépistage mieux suivi, ce chiffre pourrait être divisé par deux. 

La coloscopie, un outil multifonctions 

« C'est un des cancers où la prise en charge précoce est primordiale. Et sa particularité est que la coloscopie est probablement un des seuls examens qui permet de faire à la fois :

  • du dépistage, pour détecter avant le moindre signe clinique ; 
  • de la prévention en enlevant les lésions pré-cancéreuses ; 
  • le diagnostic ;
  • le traitement, en enlevant les lésions superficielles ».

Les professionnels impliqués 

« Les médecins généralistes qui sont sollicités pour des symptômes doivent garder en tête la prévention et le dépistage. Ce sont eux qui véhiculent les messages au plus proche de leurs patients. En deuxième ligne, on retrouve les gastro-entérologues » .

Comment parler de prévention et à quel rythme ?

Aujourd'hui, les liens entre les habitudes du quotidien et le risque de développer un cancer sont de mieux en mieux connus. La pratique d'une activité physique régulière, une alimentation variée et équilibrée, diminuant l'alcool, la viande rouge, et la lutte contre le tabagisme, le surpoids et la sédentarité sont bien entrés dans les discours de prévention. Les antécédents familiaux sont également à prendre en compte et à questionner régulièrement car si l'on suit un patient depuis longtemps, sa situation familiale peut évoluer. 

Le mieux placé pour évaluer ces risques ? Le médecin traitant. « Le médecin généraliste suit le patient sur le long cours, les choses évoluent, les pathologies liées au mode de vie et aux habitudes arrivent de façon cumulatives et les risques augmentent, c'est une vigilance à avoir. Il faut faire des points réguliers», précise Pierre Guibert. 

Mais alors comment en parler ? « La problématique c'est qu'aujourd'hui on demande aux gens d'arrêter ce qu'ils aiment bienPour obtenir l’adhésion, il faut les amener à comprendre le phénomène, qu’ils sont acteurs de leur santé. Un effort sur un point apporte un bénéfice sur 5 organes différents, c'est important de prendre le temps de communiquer sur ça, leur faire comprendre que les efforts sont plus payants qu’on ne l’imagine ».

Le travail de prévention est à faire sur le long terme selon Pierre Guibert. « Il faut prendre le temps d’expliquer et ne pas hésiter à en rediscuter régulièrement par petites touches de sensibilisation à chaque consultation, de façon bienveillante. L'efficacité de cette méthode a éé bien démontrée pour l'arrêt du tabac. Plus on essaie, plus on y arrive. Donc la prévention demande un suivi dans le temps mais au bout de la ligne cela est efficace, il ne faut pas baisser la garde, faire des piqûres de rappel régulièrement».

On peut commencer par suggérer des petites choses à modifier, « manger des crudités au lieu du saucisson à l’apéro. L'important est de les interpeler, les informer, les sensibiliser et leur donner des idées pour ensuite obtenir leur adhésion ».

Le dépistage en pratique 

« Aujourd'hui le circuit de dépistage est  très bien organisé au plan national et départemental. Le kit de test à domicile est ergonomique et bien fait. Mais il concerne seulement le dépistage des patients non symptomatiques. Si quelqu'un a des saignements, il faut consulter et faire une coloscopie directement. Une des problématiques est que souvent dans ce cancer les symptômes peuvent passer inaperçus : des petites douleurs, petits saignements, modifications du transit donc le médecin traitant a un rôle très important. Si un symptôme inhabituel survient, il ne faut pas perdre de temps ».

« Il faut mener le combat tôt, quand les maladies sont graves, cela demande des traitements lourds, très pénibles pour les patients. Et cela ne se passe pas toujours bien mais quand ce n’est qu'un petit test de l’autre côté, ce n'est pas grand-chose et le bénéfice est tellement immense, je reste un peu révolté par ce faible taux de participations. Si on arrivait à 55-60% de participation, on diviserait par deux le risque de décès, le bénéfice est colossal. C'est un combat qu’il faut continuer de mener ! »

 

 

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