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Avec En première ligne, présenté à la Berlinale et sorti ce 27 août, la réalisatrice suisse Petra Volpe plonge les spectateurs dans une nuit ordinaire – et pourtant exceptionnelle – d’une infirmière en sous-effectif. Après Les Conquérantes, qui explorait les combats féministes dans la Suisse des années 1970, la cinéaste choisit cette fois de mettre en scène l’hôpital, sa pénurie de personnel et la tension qui en découle, un sujet universel qui résonne particulièrement fort en France comme ailleurs.
Le film suit Floria, incarnée par Leonie Benesch, infirmière de nuit dans un service hospitalier suisse. Comme beaucoup de soignants, elle prend son service dans un contexte familier pour nombre de médecins et d’infirmières : deux titulaires et une stagiaire pour plusieurs dizaines de patients, sans compter les admissions imprévues. La caméra, au plus près des gestes et des visages, capte l’essoufflement d’un quotidien où les urgences s’enchaînent, parfois vitales, parfois dérisoires, et où chaque minute arrachée au temps médical devient aussi un temps d’humanité.
Un reflet de la réalité hospitalière
La force du film tient dans son réalisme. Distribution de traitements, surveillance des constantes, écoute des familles inquiètes, gestion des colères et des détresses : Floria court d’un lit à l’autre, tentant de préserver la dignité et le réconfort des patients malgré la fatigue et l’impuissance qui la gagnent. La mise en scène épouse le rythme haletant d’une garde, jusqu’à basculer dans une tension proche du thriller.
Pour nourrir ce scénario, la réalisatrice s’est appuyée sur le témoignage de l’infirmière allemande Madeline Calvelage, auteure de Le problème n’est pas notre métier, c’est le contexte. Le constat rejoint les chiffres de l’OMS, rappelés en conclusion du film : d’ici 2030, il manquera 13 millions d’infirmières dans le monde.
Un miroir pour les soignants
Dans les salles obscures, la fiction prend la forme d’un hommage. Mais pour celles et ceux qui vivent l’hôpital au quotidien, En première ligne agit comme un miroir, parfois brutal, de la réalité : sous-effectifs chroniques, pression croissante, risque d’erreur médicale, épuisement émotionnel face aux détresses sociales, à la mort, aux familles en quête de réponses.
Si le film offre au grand public une plongée viscérale dans les coulisses d’un service de nuit, il résonne particulièrement auprès des professionnels de santé. Il rappelle que derrière chaque geste technique, il y a aussi la fatigue contenue, l’humanité préservée, et cette question lancinante qu’un patient pose à Floria avant de s’endormir : « Est-ce que vous serez là demain ? ».
En première ligne se veut à la fois cri d’alarme et déclaration d’amour aux infirmières. Mais il pourrait tout autant s’adresser aux médecins, confrontés aux mêmes réalités systémiques, et porteurs du même engagement : continuer à être là, malgré tout.