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« On a le sentiment qu'on va essayer de faire plus d'économies qu'on n'en a jamais faites, alors que les besoins ne cessent d'augmenter », déplore Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers, principal syndicat d'infirmiers libéraux, qui vient justement d'entamer avec l'Assurance maladie des négociations très attendues pour revaloriser les tarifs de la profession.
Selon les objectifs fixés par le Premier ministre, il faudra en 2026 limiter à 0,4 % la croissance en volume (hors inflation) des dépenses de santé (Ondam, objectif national de dépenses d'assurance maladie).
Cela représente une croissance de moins de 2 % en valeur (inflation comprise), qui serait très en deçà de celle observée ces dernières années, même en excluant les dépenses liées au Covid.
Entre 2019 et 2025, la progression représente en effet 4,8 % en moyenne (hors Covid), selon les chiffres de la Cour des comptes, avec pour 2025 une hausse encore prévue à 3,4 %, à 265,4 milliards d'euros.
Et même en 2015-2019, en pleine cure d'austérité des dépenses de santé – aux conséquences particulièrement sévères pour l'hôpital – la progression des dépenses d'assurance maladie avait atteint 2,4 % par an en moyenne, selon la même source.
Une progression aussi faible en 2026 « ne pourra être faite sans mesures extrêmement concrètes comme des baisses de prix » des soins ou des « changements de périmètre pour les remboursements à 100 % », avertit Jean-Marc Aubert, ancien haut-fonctionnaire et spécialiste de l'Assurance maladie.
« Ça ne pourra pas être juste de la lutte contre la fraude ou de la maitrise médicalisée des dépenses », a-t-il estimé.
Or, François Bayrou, lors de sa présentation de l'effort budgétaire mardi, n'a pas expliqué comment il voulait parvenir à un tel coup de frein – cinq milliards de croissance au lieu des dix attendus – sur les dépenses d'assurance maladie.
L'angoisse des libéraux
Le Premier ministre a donné quelques exemples, mais sans les chiffrer : un serrage de vis sur le statut d'affection longue durée (remboursement à 100 % par l'Assurance maladie des soins liés à la pathologie concernée), une facilitation de la reprise du travail après un arrêt maladie depuis plus d'un mois...
Sa proposition la plus concrète est le doublement à 100 euros du plafond annuel des franchises payées par les assurés sociaux sur les boîtes de médicaments ou actes paramédicaux (1 euro par boîte ou acte, 4 euros par transport sanitaire).
Devant ce flou, les hôpitaux publics redoutent une progression « historiquement basse » de leurs recettes se traduisant par « une nouvelle baisse des tarifs hospitaliers, ce qui serait inacceptable », selon la Fédération hospitalière de France.
Les médecins libéraux, eux, craignent de voir remis en cause le « dispositif conventionnel » sur les tarifs, notamment ceux des consultations, signé avec le gouvernement, selon Franck Devulder, président du syndicat CSMF.
Le gouvernement a déjà reporté de six mois – jusqu'en janvier prochain – des augmentations tarifaires négociées en 2024 pour cause de risque de dérapage des dépenses de santé en 2025.
Certains experts rappellent en tout cas que la sévère cure d'austérité attendue pourrait être adoucie si le gouvernement acceptait en parallèle d'augmenter un peu les recettes de la Sécurité sociale.
« Si on veut conserver un niveau de soin semblable à celui qu'on a aujourd'hui, on est obligé de jouer sur les recettes », estime l’économiste de la santé Nicolas Da Silva.
L'expert rappelle au passage un fait qui n'est contesté par personne : le déficit actuel de l'Assurance maladie serait très largement inférieur si le gouvernement avait accepté de lever des ressources financières (cotisations, impôts ou taxes) pour financer les quelque 13 milliards de dépenses supplémentaires provoquées par le Ségur de la Santé, l'effort de revalorisation des salaires des soignants à l'issue du Covid.