La sage-femme du roi : la BD fait des bébés

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Qu’il est loin le temps où la BD faisait figure de genre pour enfants ! Aujourd'hui, le « 9e art » aborde tous les thèmes… y compris la santé. Cet été, What’s up Doc vous fait découvrir quelques albums mettant en scène soignants et patients. Aujourd'hui, La Sage-femme du roi, d’Adeline Laffitte et Hervé Duphot.

La sage-femme du roi : la BD fait des bébés

© DR

Quel est donc l’objet étrange que l’on peut voir, à moitié coupé par le cadrage, à droite de la couverture de La Sage-femme du roi ? On dirait un gros nounours aux jambes tronquées… mais c’est en réalité ce qu’on présente généralement comme le premier mannequin de simu’ de l’histoire ! 

Car cette BD historique d’Adeline Lafitte et Hervé Duphot, qui retrace le parcours d’Angélique du Coudray, sage-femme qui forma des milliers de ses consœurs sous le règne de Louis XV, est avant tout une histoire de pédagogie médicale. 

On peut en résumer l’intrigue ainsi : cette praticienne expérimentée va-t-elle réussir, contre les corporatismes et conservatismes de son époque, à transmettre un savoir susceptible de sauver la vie de femmes et de nourrissons par millions ?

La question est d’ailleurs un peu rhétorique, car le titre de l’ouvrage en donne le dénouement : on le sait, Angélique du Coudray finit par recevoir du roi l’autorisation d’enseigner, notamment au moyen du fameux mannequin, les techniques d’accouchement qu’elle avait mises au point et consignées dans un Abrégé de l’art des accouchements publié en 1759. 

L’intérêt du roman graphique n’est donc pas dans le suspense tout relatif du récit que dans la figure attachante de cette sage-femme, sorte de croisement entre le héros solitaire à la Lucky Luke et le personnage grognon mais sympathique à la Obélix…

« Histoires de femmes grosses »

Car même à l’époque des Lumières, il fallait une sacrée dose de caractère à pour pouvoir s’imposer dans un monde où les hommes faisaient la loi, y compris en matière de science des accouchements. En témoigne l’échange acerbe entre Angélique du Coudray et le grand Diderot : l’Encyclopédiste, humant délicatement un verre de vin, assène à la sage-femme que son métier est « en voie de disparition », qu’il faut « faire confiance aux hommes de l’art » (comprendre « les chirurgiens »), et la quitte abruptement en déclarant que « ces histoires de femmes grosses [le] lassent ».

Quand elle n’est pas en butte à la suffisance masculine, notre héroïne doit faire face à l’hostilité des matrones, ces villageoises qui assuraient traditionnellement les accouchements dans les campagnes avec des techniques toutes personnelles : « je fais sauter la mère tant qu’elle peut, ça décroche son fruit », affirme l’une d’elle, quand l’autre indique qu’elle « ouvre la porte ou la fenêtre, comme ça, le petit sait qu’il doit sortir ». 

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Tout cela serait drôle si la vie des mères et des bébés n’était pas en jeu, s’il n’avait pas fallu attendre encore de longues décennies avant que les techniques d’accouchement modernes ne se diffusent dans tout le pays… et si les accouchements non suivis par des professionnels de santé qualifiés ne causaient pas encore aujourd'hui, dans bien des pays du monde, de nombreux décès.

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Source:

La Sage-femme du Roi, d’Adeline Laffitte et Hervé Duphot, Delcourt, 2023.

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