Un film ludique et réussi si l’on s’en tient à sa fonction première : nous maintenir captifs de son intrigue, dont la vraisemblance importe peu tant que l’on ne sait pas où nous mènera la scène suivante…
Shyamalan s’est tellement comparé - fort abusivement - à Hitchcock que pour une fois c’est Hitchcock qui pourrait venir au secours de son film, injustement descendu par la plupart des critiques, de ce côté de l’Atlantique comme de l’autre. En effet, c’est probablement lorsque ses scenarii étaient les plus invraisemblables - qui oserait aujourd’hui revendiquer la crédibilité de Psychose ou des Oiseaux? - que les films du maître étaient les plus réussis. Évidemment, on ne qualifiera ce Trap-ci de chef-d’œuvre, et pas sûr que Shyamalan y prétende encore, tant il semble être revenu à une volonté de faire du cinéma artisanal, de l’entertainment pour salles refuges au réchauffement climatique.
C’est ainsi que le concert dont il s’agit n’arriverait même pas à la cheville de celui d’une Mylène Farmer fauchée, et est d’ailleurs filmé avec une paresse le rendant moins convaincant qu’une mauvaise captation vidéo. Est-ce à dire que Shyamalan est lui-même fauché ? Probablement, et le choix de Josh Hartnett, idole des années 2000 sur le retour et à moitié convaincant, le suggère. Plus globalement, c’est le geste lui-même du réalisateur qui confirme la volonté assumée, presque ironique, de faire efficace avec peu. En recyclant ses vieilles antiennes jusqu’à la caricature, notamment en les réduisant à une dimension psychologique à deux balles, il semble nous signifier que le temps où il se considérait comme le spécialiste du deuil pathologique ou du trouble dissociatif de l’identité est révolu.
Dans un monde où on lui laisse de moins en moins sa chance, il se centre sur ce qui est désormais son essentiel : nous embarquer à bord de son intrigue; et le fait qu’il y réussisse tout en se fichant de la moindre vraisemblance ne rend le résultat que meilleur. Il y’a de la joie à frissonner et à deviner comment cet être amoral surmontera le prochain obstacle, mais aussi à voir la malice dont fera preuve le personnage « surprise » de cette intrigue, caillou convaincant dans une chaussure usée.