"Dissoces" hâtives

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"Dissoces" hâtives

Kevin, jusque-là relativement équilibré malgré les vingt-trois personnalités qu'héberge sa psyché, décompense gravement quand il se met à kidnapper trois adolescentes... Shyamalan nous livre un guide du trouble dissociatif de l'identité non pas pour les nuls – le film ne l'est pas – mais pour les Ricains.

Évacuons d'emblée le gros abcès mental qui s'est rapidement développé en nous après le visionnage de Split : plus de cinquante ans après Psychose, le cinéma américain continue d'associer trouble dissociatif de l'identité et crimes en série. Comme si cette pathologie post-traumatique, complexe à dépister autant qu'à prendre en charge, aboutissait fatalement à de monstrueux passages à l'acte. Adoptant l'outrance du cliché et le contresens du préjugé, M. Night Shyamalan a définitivement abandonné la subtilité d'un Sixième Sens pour se fondre dans la brutalité et la sauvagerie de l'époque...

C'est peu dire que ce film est difficilement aimable, malgré la virtuosité impressionnante de sa mise en scène qui fait se confondre la geôle dans laquelle sont séquestrées les trois jeunes filles et la prison mentale de leur kidnappeur. Rarement un tel degré d'oppression et de malaise aura été atteint dans un film de genre. À mettre au crédit d'un réalisateur qui en a encore sous le capot. On a été moins emballé par la performance d'un James McAvoy (Kevin) en perpétuel cabotinage.

Le syndrome du toujours plus

Mais ce qui gêne d'un bout à l'autre est cette volonté constante, à partir d'une trame somme toute classique, de « faire plus ». Plus nombreuses les personnalités qui hantent notre anti-héros (pour au final n'en exploiter que le quart...). Plus grands les pouvoirs psychiques qu'elles acquièrent au fur et à mesure. Plus dévouée que mère Teresa, la psychiatre aimante et pas mal naïve. Plus musclée et délirante, la fin assez improbable – même si le twist final sauve le tout.

Cette hyperbole cinématographique est d'autant plus regrettable qu'elle contamine le seul élément intéressant du film : la rencontre à la fois improbable et inéluctable de deux victimes d'une violence que ceux qui ne l'ont pas vécue qualifieraient d'ordinaire. L'enfer est pavé de bonnes intentions...

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