Étudiants, internes : où en est-on sur leur santé mentale ? Spoiler : ça ne va pas mieux

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Burn-out, idées suicidaires, épisodes dépressifs caractérisés : une souffrance diffuse ressort de l'analyse de la santé mentale des étudiants en médecine, alors que l'ensemble de la profession se donne rendez-vous dès aujourd'hui au salon de la santé Santexpo à Paris.

Étudiants, internes : où en est-on sur leur santé mentale ? Spoiler : ça ne va pas mieux

© Midjourney x What's up Doc

« On a un interne qui se suicide tous les 18 jours », rappelle à l'AFP Sophie Bauer, présidente du Syndicat des médecins libéraux (SML). Cette statistique de 2021 de l'InterSyndicale nationale des internes (Isni) a depuis été complétée. En 2025, les internes sont au nombre de 35 000.

« Il y a trois chiffres assez marquants : les 66% de burn-out chez les externes et internes, les 21% d'étudiants en médecine qui ont des idées suicidaires pendant l'année et le fait que sept sur dix ont déjà pensé à arrêter médecine », brosse pour l'AFP Killian L'helgouarc'h, président de l'Isni, étude 2024 à l'appui.

Par comparaison, 10% des Français avaient eu des pensées suicidaires au cours de l'année et 16% des Français montraient des signes d'un état dépressif selon une étude de Santé publique France fin 2023.

Ces chiffres déprimants sur les carabins proviennent d'une enquête sur la santé mentale, de la deuxième année à la fin de l'internat, sur l'année 2024, chapeautée par l'Isni, l'Association nationale des étudiants en médecine (ANEMF) et l'InterSyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG).

« Je vois mes co-externes s'effondrer en larmes au self régulièrement », y témoigne un étudiant de 2e cycle. L'étude relève d'ailleurs des « épisodes dépressifs caractérisés » chez 27% des étudiants en médecine.

« C'est un métier où on souffre pendant les études, une réalité qui ne s'arrange pas », synthétise pour l'AFP Jean Canarelli, Conseiller national de l'Ordre des médecins et président de la commission des jeunes médecins de l'Ordre.

59 h par semaine

Au banc des accusés, il y a « les durées limites de travail absolument pas respectées », dénonce Sophie Bauer. L'étude 2024 mentionne « 59 heures par semaine en moyenne pour les internes », avec des cas extrêmes de « 80 heures pour 10% » d’entre eux.

« Tous les hôpitaux publics, aujourd'hui, s'assoient sur la loi du temps de travail des internes », alerte Killian L'helgouarc'h. « S'épuiser pour soigner ne rend pas service aux patients », rebondit Sophie Bauer.

Surgit ici un paradoxe : « Nous, internes, faisons partie des Français qui n'ont pas de médecins traitants », glisse Killian L'helgouarc'h. « Je me dis que je vais consulter (un médecin) mais sans cesse je repousse en me disant "après le concours" », relève ainsi dans l'enquête un étudiant de 2e cycle.

Le cursus pratique regorge aussi de pièges entre « ce qu'on a du mal à gérer sur le plan médical, mais aussi, simplement, émotionnel et psychologique » décrit le dirigeant de l'Isni.

Une étudiante raconte dans l'enquête comme elle est « confrontée » à « des bébés qui viennent de naître et ne survivent pas ».

Ce qui revient aussi est « une incertitude permanente », avec « des ajustements incessants qui vont à l'encontre d'une sérénité nécessaire », mentionne le Dr Canarelli. L'enquête stigmatise ainsi des « réformes imposées dans la précipitation », que ce soit pour les études mêmes ou pour la future installation, avec les projets de loi actuels.

Le compagnonnage comme remède

Quels peuvent être les remèdes ? « On propose un compagnonnage », avance Sophie Bauer. Avec la plateforme « Adopte un doc », les étudiants « peuvent se mettre en rapport avec des médecins installés qui peuvent leur donner des conseils, les écouter quand ils sont en épuisement, etc. », expose la responsable du SML.

Pour tenir les cadences infernales, « il faut éviter tout ce qui est médicaments (en auto-prescription, NDLR), parce que ça, c'est un piège mortel », insiste-t-elle.

Au-delà de la prévention, Killian L'helgouarc'h met l'accent sur la formation : « On a des chefs de service qui, par le passé, n'étaient pas formés au management, à gérer les situations de compagnonnage. Or, ça s'apprend ».

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« En plus, ça permet de sensibiliser sur la question de la santé mentale, plus largement des humiliations qu'on peut subir à l'hôpital, et puis aussi des violences sexistes », ajoute le président de l'Isni. Ou homophobes : « un chef connu comme pouvant mettre mal à l'aise m'a insulté en évoquant mon homosexualité », rapporte ainsi un étudiant dans l'enquête.

Avec AFP

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