En soins palliatifs « il n’y a pas de place pour le faux-semblant ou le mensonge »

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Les soins palliatifs ont une image sulfureuse : celle de services qui aident des patients à mourir. Or la réalité est toute autre. 

En soins palliatifs « il n’y a pas de place pour le faux-semblant ou le mensonge »

© DR.

« Travailler en soins palliatifs, c’est souvent être plus antisystème que le reste de la profession médicale », lâche Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) et médecin en soins palliatifs à Narbonne. « Notre rôle n’est pas de guérir, mais de prendre en charge une personne avec une maladie incurable. C’est radicalement différent. »

Selon l’OMS, les soins palliatifs doivent « améliorer la qualité de vie des patients » mais aussi prévenir et soulager les souffrances « grâce à la reconnaissance précoce, l’évaluation correcte et le traitement de la douleur ainsi que des autres problèmes, qu’ils soient d’ordre physique, psychosocial ou spirituel ». « De fait, il est complètement faux de dire que l’on s’occupe de la fin de vie, ajoute Claire Fourcade, puisque nous avons certains patients que l’on suit depuis plusieurs années. On s’occupe de ceux qui ont des maladies incurables. L’objectif n’est pas de les faire mourir, c’est de les soulager, au risque de raccourcir leur vie. »

Les soins palliatifs ne sont pas une spécialité médicale

Pour devenir médecin de soins palliatifs, il existe une formation transversale ou un diplôme universitaire (DU), mais ce n’est pas une spécialité spécifique que l’on choisit lors des études de médecine. « Au 1er janvier 2023, 452 médecins exerçaient en tant que médecins de soins palliatifs, dont 60 % de généralistes », explique-t-on à l’Ordre des médecins. Beaucoup se tournent vers les soins palliatifs quand ils ont été confrontés aux limites de la médecine plus classique, souligne la présidente de la SFAP. 

C’est le cas de Stéphanie Träger. Après s’être orientée vers l’oncologie, elle a fait un premier DU de soins palliatifs et un second sur les douleurs en oncologie. « Les patients ne guérissent pas tous en oncologie, donc j’ai préféré faire ces DU, pour pouvoir les accompagner au mieux. » Aujourd'hui, avec la double compétence, oncologue et médecin de soins palliatifs, elle apprécie particulièrement le côté humain de son métier. « En palliatif, nous avons de très belles histoires de vie, ajoute Stéphanie Träger. Il n’y a pas de place pour le faux-semblant ou le mensonge. On accompagne les derniers instants de vie. C’est important. »

Seulement la moitié des patients parviennent à obtenir des soins palliatifs

Dans son rapport de juillet 2023, la Cour des comptes estime que sur les 380 000 patients qui devraient être suivis en soins palliatifs, la moitié seulement y ont accès. Pour autant, l’Ordre des médecins juge impossible de dire si les médecins de soins palliatifs manquent plus que certains autres « tant la pénurie médicale est systémique ». « Plus la prise en charge du patient a lieu tôt, plus on peut lui garantir une vie longue et avec des douleurs limitées, ajoute Stéphanie Träger. Seulement, à cause du manque de médecins, on ne peut pas garantir ces soins à tous les patients qui en font la demande. » 

C’est aussi l’image même de la médecine palliative qu’il faut repenser, admet Claire Fourcade. D’abord au sein du corps médical, et plus globalement au sein de la société. « Être pris en charge en soins palliatifs, ça ne veut pas dire que l’on va mourir dans les prochains jours, ça veut dire que la maladie est incurable. »

Un patient bien pris en charge dans sa douleur n’a plus envie de mourir

S’il arrive que certains médecins pratiquent des aides actives à mourir, les médecins de soins palliatifs précisent que cela arrive le plus souvent quand les médecins ne sont pas formés à la gestion de la douleur. Cela apparaît alors comme la seule alternative. « D’où l’importance des soins palliatifs, plaide Claire Fourcade, on sait gérer la douleur et doser la sédation pour qu’elle soulage. » Sur son site, la SFAP a une carte de France avec tous les services de soins palliatifs. « Appeler l’équipe de soins palliatifs permet d'éviter de se retrouver seul face à une situation que l’on ne sait pas gérer et donc d’avoir recours à une aide active à mourir. »

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/magazine/66

De fait, face au projet de loi, les médecins de soins palliatifs déplorent une mauvaise temporalité. « D’abord prenons en charge correctement tous les patients, et après on en reparle », lance Stéphane Trüger. Même demande de la part d’Éric Fossier, ancien médecin de soins palliatifs et aujourd'hui conseiller médical pour le FNEHAD (Fédération nationale des établissement dHAD). « L’aide active à mourir telle qu’elle est pensée en France pose de très nombreuses questions, explique-t-il. Comment va-t-on gérer la pression d’une société utilitariste qui va considérer que l’aide active à mourir est moins chère que la prise en charge d’une personne avec une maladie incurable ? Comment va-t-on gérer la pression de la famille sur une personne âgée par exemple ? Bref, ce projet de loi risque de ralentir le développement des soins palliatifs alors que l’on sait qu’une personne bien prise en charge dans sa douleur n’a plus envie de mourir. » 

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