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Médecin allergologue installée à La Ciotat, Séverine Fernandez a d’abord été formée en médecine générale, avant de se spécialiser en allergologie alors que la discipline n’était pas encore reconnue comme une spécialité à part entière. Elle a ainsi suivi un DESC d’Allergologie et d’Immunologie Clinique. Depuis la reconnaissance officielle de la spécialité en 2017, elle a obtenu un Diplôme d’Études Spécialisées (DES) d’allergologie par équivalence. Aujourd’hui pleinement investie dans son domaine, elle préside également le Syndicat français des allergologues (SYFAL).
What’s up Doc : Pourquoi l’allergologie ? À quoi ressemble votre quotidien ?
Séverine Fernandez : Je suis ancien médecin généraliste et si j'ai basculé du côté de l'allergologie, ce n’est pas pour rien. On retrouve cet aspect de la médecine générale qui va suivre des patients pendant des années, et même des familles entières. On voit des personnes de tout âge, dont pas mal d’enfants et de nourrissons. Les plus jeunes sont sujets aux allergies alimentaires, à la dermatite atopique, ou encore (et surtout) à l’asthme.
Notre pratique est avant tout une véritable investigation. On utilise à la fois l’examen clinique et nos différents bilans (ou tests) pour trouver la cause de l’allergie. Notre expertise est complexe et variée : de l’allergie médicamenteuse comme l’anaphylaxie ou les toxidermies, en passant par l’allergie alimentaire, respiratoire ou de contact. Il faut des connaissances générales et beaucoup de réflexion.
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On collabore aussi avec d’autres spécialistes, notamment les ORL, les pneumologues, les dermatologues… L’allergologie est une discipline transversale qui s’intéresse aux problématiques de fond.
Alors oui, on ne va pas sauver quelqu'un du cancer ou d’une crise cardiaque, mais on a un réel impact dans le quotidien des gens. On ne s’en rend pas forcément compte mais lorsqu’un patient vient nous voir, il est généralement en grande souffrance. Les allergies et leur conséquences sont encore trop minimisés. C’est pourtant la 4ème maladie chronique au monde, et elle a un retentissement majeur sur la qualité de vie.
Vous exercez en libéral, mais à quoi ressemble cette pratique à l’hôpital ?
SF. : L’allergologie fait partie des spécialités qui peut aussi bien s’exercer en libéral qu’en milieu hospitalier. C’est une discipline qui est très transversale. Une activité en libéral se concentre davantage sur la prise en charge de pathologies respiratoires, alimentaires, cutanées, etc. Mais, pour ce qui concerne par exemple l’anaphylaxie périopératoire, ou les toxidermies médicamenteuses, on va avoir besoin du milieu hospitalier qui offre davantage de sécurité.
De mon côté, j'ai développé un hôpital de jour dans une clinique. Je rends service aux anesthésistes, cardiologues, ou encore aux radiologues qui sont très contents de m'avoir quand ils ont des suspicions de réactions allergiques. En bref, c’est une spécialité pas assez connue, ni reconnue, alors qu’elle est utile partout.
Vous estimez que votre spécialité manque de reconnaissance. Par qui n’est-elle pas assez reconnue ?
SF. : Certainement pas par les patients déjà. Ils connaissent notre valeur et ils sont reconnaissants. Quand je leur explique qu’il y a moins de 400 allergologues pour 66 millions de Français, ils ne comprennent pas, ça leur parait fou.
L’allergologie est devenue une spécialité à part entière il y a seulement huit ans. Il faut du temps pour qu’elle se fasse connaitre. Il y a eu un très gros travail de l’AJAF (Association des Jeunes Allergologues de France) qui a réussi à montrer la transversalité et l'intérêt de cette spé. Finalement, le problème qu'on a, ce n’est pas le nombre de demandes puisqu’on monte dans les classifications. Ce qui bloque, c'est qu’on n'a pas assez de postes d’internes par an. Il y en a seulement 35.
Alors que quand on fait le calcul, aujourd’hui, c'est 30 % de la population qui est allergique. Selon l’OMS, ce sera 50 % en 2050. Et malgré cela, il n’y a aucune réaction. Surtout que parmi les 400 allergologues, la moitié a plus de 60 ans. Il faut renouveler ! On ne demande que 10 étudiants de plus par an - soit 45 au total chaque année. Ce n’est pas grand-chose mais pour nous, ça changerait tout.
En ce qui concerne les confrères d’autres spécialités, avez-vous le sentiment d’être assez considérés ?
SF. : On est de plus en plus reconnu et apprécié par nos confrères. Peut-être pas par tous encore malheureusement… Selon moi, les médecins savent qu’on est utile. Je pense vraiment que ce qui manque c'est essentiellement la reconnaissance nationale.
L’allergologie est la seule nouvelle spécialité à ne pas bénéficier de CNU. On ne peut donc pas offrir une carrière d’enseignant-chercheur à nos jeunes. C'est un frein parce que certains ont envie de poursuivre après leur internat. C’est aussi essentiel pour l’avenir de notre spécialité de développer une filière d’excellence.
Si vous vous projetez dans dix ans, quel avenir souhaiteriez-vous pour l’allergologie ?
SF. : J'espère qu’on aura plus de médecins d’ici là. J’aimerais aussi qu'on ait plus d'unités transversales allergologiques définies avec des parcours de soin ville-hôpital plus fluides. L'allergie alimentaire a explosé en 20 ans. Elle est à 8 % chez les enfants. Les pathologies sévères augmentent aussi. J'ai l'espoir qu'on investisse dans l’allergologie et qu'on puisse proposer des nouveaux traitements avec une allergologie d'excellence au même titre que n'importe quelle autre spécialité.
Que diriez-vous à un étudiant qui hésite à se spécialiser en allergologie ?
SF. : En faisant de l'allergologie, le futur médecin va découvrir une médecine d’investigation passionnante et comprendre à quel point il va être bénéfique pour son patient. Il y a une vraie écoute de la part du médecin et une vraie reconnaissance de la part des malades. On va au cœur de la vie du patient, on s’intéresse à son métier, à son logement… La relation médecin-patient est très forte.
L’allergologie est aussi très diversifiée. On peut se spécialiser, privilégier la pathologie respiratoire, le cutané, le médicament, choisir les hôpitaux de jour, la clinique, l'hôpital ou le libéral.
L’inconvénient, s’il faut en citer un, ce serait la rémunération. Comparé à d’autres spécialités, c’est moindre. Mais on trouve notre satisfaction ailleurs. Moi, en tout cas, je suis très fière d’être allergologue.