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La première fois où…
…Tu as souhaité devenir médecin ?
NA. Je suis d'une famille de littéraires et ai d’abord suivi la voie en hypokhâgne. Puis j’ai choisi médecine pour échapper à mon milieu, et parce que j’étais… complètement perchée ! Je voulais un métier de terrain, sortir de ma zone de confort et connaître la liberté de la fac.
…Tu as touché un patient ?
NA. Je me suis forcée un peu parce que je n'étais pas du tout manuelle mais vraiment « intellectuelle ». J’aurais d’ailleurs été totalement incapable d'être chirurgienne. En 3e année, j’ai fait un stage à Cochin auprès du Pr Camille Frances, une grande dermatologue. Après deux années abstraites, la sémiologie a été pour moi une révélation. J'étais enthousiasmée par la découverte des pathologies et du dialogue avec les patients.
…Tu as rencontré ta spécialité ?
NA. J’ai fait de nombreux stages à Cochin et su ce qui ne me convenait pas, comme devoir annoncer à des parents que leur bébé est atteint d’une maladie génétique en néonatalogie. J’ai découvert la médecine interne et la gastroentérologie. Mes maîtres ont été le professeur et éthicien Didier Sicard, un grand humaniste, et le professeur Marc Zerbib, chef de service d’urologie. J’ai compris que ce qui me plaisait était la réflexion médicale et le diagnostic. Je ne voulais pas travailler dans l'urgence. Interne, je me souviens de mes nuits à la Salpêtrière, c’était le temple, avec les ombres de Charcot et Freud… Exceptionnel !
…Tu t’es intéressée à la douleur chronique ?
NA. Le Dr Jean Bruxelle anesthésiste et responsable de la douleur à Cochin, nous a fait une heure de cours en témoignant de son travail de pionnier, totalement marginalisé. En psychiatrie, à Sainte-Anne, j’ai constaté combien la douleur était un élément psychopathologique important, nécessitant de tenir compte des aspects biomédicaux mais aussi psychosociaux. Soigner la douleur chronique demande de prendre en compte le patient dans sa globalité. Cette médecine holistique et humaniste va complètement à l'encontre de la médecine technique habituelle. Puisqu’elle intègre les dimensions sensorielles, affectives, émotionnelles et cognitives, je ne suis pas sûre qu'elle sera rapidement supplantée par l'intelligence artificielle.
« J’ai toujours été passionnée et n’ai jamais compté mes heures »
La dernière fois où…
...Tu as été touchée par un patient ?
NA. J’ai beaucoup de patients d’âge avancé, diminués par la maladie et par la douleur. Ils ont parfois eu une vie professionnelle et sociale brillante et vivent une double rupture, celle de l’âge et de la douleur chronique qui les accable. J’admire tout autant certains autres types de malades, comme ce patient sri-lankais qui travaille comme un fou dans un restaurant. Il ne parle pas français et je fais la consultation en anglais. Il me voit régulièrement pour des douleurs affreuses, il est très émouvant.
...Tu as eu envie d’arrêter médecine ?
NA. J’ai toujours été passionnée, et n’ai jamais compté mes heures. De même, je ne me suis jamais appesantie sur mes conditions de travail. La douleur fait désormais partie du tronc commun universitaire et est parfaitement intégrée à l'enseignement des étudiants en médecine. Ma discipline est reconnue et je suis invitée dans le monde entier, c’est très agréable !
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