C’est l’outil Marti, créé sur une idée de deux étudiants en médecine à Lyon, à l’occasion d’un hackathon en 2018. « C’est l’exemple type de ce que doit faire naître un hackathon », se félicite Gérald Comtet, directeur de l'association ICare Lab et initiateur du Hacking Health Lyon (HHL) depuis 6 ans. Le concept importé du Canada est un accélérateur de projets et d’idées, à l’instar aussi du Hacking Health Camp de Strasbourg, un moyen de passer à l’action. « On obtient en 48h ce qui met souvent un an à éclore ». Une recette éprouvée : des équipes réunies autour de "questions à résoudre" – soignants ou patients porteurs de "défis", designers, développeurs – mûrissent durant deux jours :
1- un projet original
2- qui répond à un problème
3- qui possède une "capacité d’atterrissage".
En effet, pas question de redévelopper une énième solution sans aucun modèle économique. L’ambiance est ludique mais le travail est ancré dans le réel. D’ailleurs, le jury ne rigole pas : tout l’écosystème de l’innovation et du développement territorial est là : ARS, Satt, (Société d'accélération du transfert de technologies), Région, Métropole, etc.
« Chez les patients allophones, les prises en charge peuvent être ratées si l’anamnèse n’est pas complète, souvent à cause de la barrière de la langue »
Migrants, touristes, sourds ou personnes souffrant de dysarthrie : comment améliorer l’accueil des patients allophones (personnes qui ne maîtrisent pas la langue du pays où ils vivent) aux urgences ? Cette idée proposée par Quentin Paulik, interne en médecine générale et Iliès Haddou, interne en anesthésie-réanimation séduit le jury du HHL en 2018. Et c’est parti. De l’idée naît l’outil Marti. Le système contient aujourd’hui 250 questions traduites en 12 langues, savamment organisées dans une arborescence et illustrées par près de 500 pictogrammes. « Le questionnaire est suffisamment précis pour récolter les informations nécessaires sur les symptômes, les antécédents, les traitements, les allergies, etc. », précise Quentin Paulik. Il bénéficie d’une « année recherche » jusqu'à la rentrée 2022 et se consacre pleinement au développement du projet. « Une anamnèse dure en général de 5 à 10 minutes, mais peut être plus longue avec des patients allophones. C’est souvent difficile d’avoir un interprète ou bien c’est très ou trop cher. » Même si Marti désigne initialement un "moyen d’accès rapide de traduction de l’interrogatoire", Quentin se plaît à raconter que cela pourrait être le nom d’un patient italien mal pris en charge car mal compris à son entrée aux urgences.
Cela optimise le temps d’attente et permet aussi au patient de commencer à réfléchir à ce qu’il ou elle va dire au médecin
Testé avec succès en juin 2021, les réactions sont prometteuses : « On a l’impression d’être déjà un peu pris en charge dans la salle d’attente. » « Les pictogrammes sont amusants. » Une V2 est actuellement en opération aux urgences pédiatriques des HCL grâce à un financement de la Satt lyonnaise Pulsalys.
Créer une version "adultes", d’autres déclinaisons adaptées aux médecins de ville, augmenter le nombre de langues, rendre l’application accessible via une plateforme sécurisée sur internet, avec des comptes rendus directement intégrables dans le dossier du patient sont les prochaines étapes. Pour cela, l’équipe projet a lancé une campagne de financement participatif sur Kiss Kiss Bank Bank. L’idée est de rendre le projet plus attractif pour aller chercher des fonds auprès d'investisseurs. En ligne de mire : la bourse French Tech de Bpifrance et la création de la société.
Par Valérie Handweiler