Complément d’objets

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Critique de « La machine à écrire et autres sources de tracas », de Nicolas Philibert (sortie le 17 avril 2024). Face à l’angoisse de la perte ou du changement, des soignants s’improvisent bricoleurs et aident des patients à préserver les objets qui leur sont chers. Une réparation…

Complément d’objets

Addendum à son Adamant, ce petit film permet à Nicolas Philibert de prolonger les portraits entamés dans son premier opus, témoignant d’un attachement sincère et d’une curiosité saine. Il suit chez eux les patients qui avaient le plus capté son regard, et réciproquement, et les interventions des soignants à domicile sont l’occasion de véritables saynètes, de petits scénarios qui se constituent sous nos yeux, dans la répétition, la maladresse et l’habileté, et au sein desquels le cabotinage fait office d’antithèse du symptôme. Par sa forme, sa brièveté, sa légèreté, Philibert trouve avec cette Machine à écrire le ton juste pour accomplir, peut-être avec le plus de réussite, l’intention première de son tryptique : montrer la survivance, coûte que coûte et vaille que vaille, du soin psychiatrique.

Au-delà de l’élégance, réelle, qu’il y a à faire de ce film, faussement bricolé, une métaphore de ce qu’accomplissent ces deux intervenants à domicile d’une humanité constamment à une juste place, il donne surtout à voir une psychiatrie que, personnellement, je ne pratique plus depuis bientôt quinze ans. Que j’ai eu de la peine à quitter et qui, je le constate, ne semble pas avoir changé pour un sou. A l’image de ces appartements thérapeutiques défraîchis mais constamment appréhendés sous l’angle de la paisibilité, baignés d’une lumière d’été. Une psychiatrie devenue souterraine, remisée, au profit d’un mouvement repu de communication, de fausse modernité, d’actualisation de concepts et de projets qui peinent à cacher l’indigence de moyens alloués sur laquelle ils reposent. 

L’accompagnement, lui, reste. Au-delà des modes, des gens travaillent au cœur du soin, vont à la mine. Cette psychiatrie-là n’a jamais disparu, bien qu’évidemment elle se raréfie. Elle continue de palpiter au sein des unités qui réussissent encore à capter un peu d’oxygène. Elle fait du bien. Elle répare. Les objets. Les patients. Les soignants. 

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