Politique de santé

PLFSS, convention médicale, déficit : Thomas Fatôme, le directeur de l’Assurance maladie répond aux médecins

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Face aux inquiétudes des médecins libéraux, Thomas Fatôme clarifie la position de l’Assurance maladie : leur liberté d’installation et de prescription demeure, et ils ne sont en aucun cas considérés comme des “rentiers”. Tout en rappelant les défis financiers, il défend une approche partenariale autour de la pertinence des soins, des arrêts de travail et des outils numériques. Il évoque enfin les mesures de la nouvelle convention médicale, pensées pour mieux reconnaître l’engagement des praticiens.

What’s up Doc : Vous avez été récemment reconduit à la tête de l’Assurance maladie, quelles sont vos priorités pour ce mandat ?

Thomas Fatôme : La priorité, c’est d’assurer la pérennité de notre système d’Assurance maladie, qui fait face à de nombreux défis. D’abord des défis financiers, mais aussi des défis en matière d’accès aux soins. Notre travail, c’est donc de collaborer avec les professionnels de santé, et évidemment les médecins libéraux, pour faire évoluer notre système afin qu’il puisse répondre à ces enjeux.

Pourquoi faut-il trouver 5 milliards d’euros d’économies par an dès maintenant ?

TF : Si nous laissons les dépenses progresser sans agir sur les recettes, le déficit de l’Assurance maladie s’aggrave chaque année de 5 milliards d’euros. C’est ce que nous avons mis en avant dans notre rapport annuel « Charges et produits ». Pourquoi les dépenses augmentent-elles plus vite que les recettes ? Parce qu’il existe des facteurs structurels très forts : des facteurs démographiques, avec une population vieillissante, des facteurs épidémiologiques, avec davantage de maladies chroniques.
Tout cela met naturellement sous tension notre système de santé.

La « pérennité du système », concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

TF : Aujourd’hui, le déficit de l’Assurance maladie pour 2025 est prévu à 17 milliards d’euros. Et ce qui est inquiétant, c’est que les projections montrent un maintien durable de ce déficit à un niveau élevé : plus de 10, de 15, voire plus de 20 milliards d’euros par an. Nous continuerons à verser les prestations et à financer le système de santé. Elles ne sont pas en danger demain. Mais à un moment, si rien ne change, nous serons confrontés soit à une baisse du niveau de couverture, soit à la nécessité de trouver d’autres leviers, comme une restriction du panier de soins.

Le PLFSS 2026 met en avant plusieurs leviers. Quels sont ceux qui concernent directement les médecins au quotidien ?

TF : Cette année, le contexte est particulièrement incertain autour du PLFSS : aura-t-on un projet de loi ? Quel en sera le contenu ? Le débat parlementaire a été chaotique. Malgré cela, on peut identifier quatre séries de mesures susceptibles de concerner les médecins libéraux si le texte aboutit :

  1. Un cadre donné aux soins non programmés, avec des structures nécessitant un cahier des charges.
  2. Des mesures relatives aux arrêts de travail et à leurs conditions de prescription.
  3. L’usage plus systématique du DMP et de Mon espace santé, tant en consultation que dans leur alimentation.
  4. Un cadre spécifique pour certains secteurs de santé présentant un niveau de rentabilité élevé, avec des mécanismes particuliers de régulation.

Les arrêts maladies sont un sujet sensible. Comment éviter que la maîtrise ne devienne une pression pour les médecins traitants ?

TF : Nous expérimentons actuellement, dans deux départements autour de Chartres et de Lyon, un service appelé SOS-IJ. L’objectif : aider les médecins lorsqu’ils se retrouvent en difficulté face aux prescriptions d’arrêts de travail comme des difficultés à joindre la médecine du travail, des dossiers de mise en invalidité complexes, une pression éventuelle de certains patients. L’Assurance maladie est là pour les accompagner, et ce dispositif sera généralisé progressivement courant 2026.
Notre responsabilité, ensuite, est de s’assurer que les arrêts de travail sont prescrits à bon escient, pour des personnes effectivement malades. Nous réalisons donc des contrôles d’assurés, mais aussi de professionnels de santé. Mais les mises sous objectifs ou sous accord préalable concernent moins de 2 % des médecins généralistes.

Est-ce que le PLFSS 2026 fragilise la médecine libérale ?

TF : Je ne crois pas que le PLFSS remette en cause les fondamentaux de la médecine libérale : la liberté d’installation et la liberté de prescription.
Ce que nous cherchons avec les médecins libéraux, c’est un deal gagnant-gagnant, fondé sur la qualité et la pertinence des soins. Nous savons que certaines prescriptions peuvent être inadaptées. L’enjeu est de trouver ensemble les leviers permettant de favoriser les bonnes pratiques, non pas en contrainte, non pas en stigmatisation, mais en accompagnement.

Vous évoquez des « rentes » ou de « fortes rentabilités » dans certaines spécialités. Que voulez-vous dire ?

TF : Déjà, qu’est-ce qu’une rente ? C’est une situation où le prix d’un produit ou d’une prestation est très supérieur à son coût de production. Dans la santé, cela peut arriver : sur certains médicaments ou certaines activités bien identifiées, où les études montrent des niveaux de tarifs très supérieurs aux coûts.
Quand une rente se crée, notre responsabilité est de travailler à la réduire. Mais je le répète : je n’ai jamais qualifié les médecins libéraux de rentiers, et je ne le ferai jamais. Il y a une vraie différence entre une rente économique et la situation d’un “rentier” qui évidemment ne sera pas mobilisé au chevet des patients.

Maîtrise des dépenses et qualité des soins : comment concilier les deux ?

TF : Chaque année, un médecin généraliste génère, par ses prescriptions, environ 800 000 euros de dépenses. Il ne s’agit pas de dire qu’il “coûte” trop cher, mais de partager tout ce que l’on peut faire ensemble sur la juste prescription : examens biologiques, transport partagé, examens radiologiques…
Cela ne diminuera pas la dépense globale, elle continuera d’augmenter, mais cela peut limiter sa progression, en s’appuyant sur des référentiels de qualité.
On ne doit pas opposer maîtrise des dépenses et qualité des soins : au contraire, elles vont de pair.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/arrets-maladie-ald-remboursements-les-annonces-de-thomas-fatome-cnam

Que doivent attendre les médecins de la convention médicale qui entrera en vigueur en 2026 ?

TF : Au 1er janvier, entreront en vigueur les mesures de la nouvelle convention médicale, signée en 2024. Mais aussi les consultations longues, la valorisation des visites dans le cadre du SAS ou de la permanence des soins, la possibilités d’associations d’actes dans certaines circonstances, et mise en place d’un forfait médecin traitant revalorisé, intégrant une dimension de santé publique.

Quel est votre mantra ?

TF : La devise de l’Assurance maladie, c’est « Prévenir, protéger ». Mais il y a aussi un autre slogan : « Agir ensemble, protéger chacun. »

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