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Dans deux jours, dimanche 2 juin 2024, Charline Arnoult-Hourlier, généraliste à Rethel dans les Ardennes, arrête. Après 6 années d’exercice. A 36 ans, cette généraliste et maman de 3 enfants, était une médecin très impliquée. Elle est même la fondatrice de la maison de santé. Mais elle explique à L’Ardennais, comment elle en est arrivée à prendre cette décision radicale : « Le mépris, (...). Avec des administratifs qui n’ont jamais mis les pieds dans nos cabinets mais qui vous disent comment prendre en charge vos patients. C’est un carcan, alors qu’on est censé être des libéraux mais on l’est de moins en moins. Devenir un médecin qui fait une consultation mono-motif en dix minutes, ce n’est pas ma vision de la médecine. Soigner quelqu’un, c’est prendre en compte la personne au global, son contexte de vie… Et ça, ça demande du temps. »
« Le sens de mon travail, ce n’est pas de remplir des cases budgétaires »
« J’ai changé plusieurs fois l’organisation de mon cabinet pour voir ce qui allait ou pas. Mais en fait, le sens de mon travail, ce n’est pas de remplir des cases budgétaires. C’est d’accompagner les gens, les suivre, eux, leur famille, d’être à côté d’eux dans leur vie en fait… c’est pour ça que j’ai choisi ce métier de généraliste. Et avec le manque de spécialistes, c’est vers nous qu’ils se tournent. On est en première ligne. »
Non seulement une vision de la médecine en décalage, mais aussi des reproches de l’Assurance maladie, qu’elle a trouvé insupportable. Car Charline Arnoult-Hourlier fait partie des dizaines de médecins convoqués par l’organisme l’été dernier, suite à trop d’arrêts maladie prescrits.
« J’ai eu l’impression d’être une délinquante. Ces médecins bandits, vous savez… Et au final, après avoir passé en revue mes dossiers, le médecin a conclu qu’il n’y avait pas grand-chose d’autres à faire, que les patients étaient accompagnés au-delà de cela. Est-ce que c’est de ma faute si la société va mal ? Si le travail va mal ? »
« Il y a trop de décalage entre ce qu’on me demande de faire et ma conception du soin et de la prise en charge du patient »
Autre désaccord : un courrier reçu de l’Assurance maladie en fin d’année 2023. Un rappel à l’ordre, car la généraliste a décidé, comme d’autres médecins, de facturer ses consultations 30€ en signe de protestation. Et cela en amont de tout accord avec la Sécu.
C’était le courrier de trop ! Depuis 6 mois, la généraliste était en arrêt, une perte de sens. « C’est comme ça chez les soignants, on soigne les autres et on serre les dents parce qu’on ne peut pas se permettre d’aller mal, sans quoi on ressent beaucoup beaucoup de culpabilité. Mais comment bien soigner et être attentif aux autres si nous-mêmes on va mal ? » Pour elle, « le décalage entre ce qu’on me demande de faire et ma conception du soin et de la prise en charge du patient », était devenue impossible.
Mais Charline Arnoult-Hourlier ne change pas complètement de vocation. C’est le libéral qu’elle quitte, pas la médecine. Elle a trouvé un poste de médecin du travail en salariée.
Source:
L'Ardennais
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