Doc en papier : Knock, médecin du futur venu du passé

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Cet été, on manque de médecins, et vous ne voulez pas abandonner vos confrères... Pas de panique, pour rester en compagnie médicale, même sur la plage, ouvrez un bon bouquin. Nous vous présentons (ou rappelons) quelques docteurs illustres, piochés dans les classiques de la littérature. Et aujourd'hui on va grattouiller ou chatouiller le oh combien célèbre Dr Knock, de Jules Romain.

Doc en papier : Knock, médecin du futur venu du passé

De « Ne confondons pas. Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous grattouille ? » à « Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent », en passant par « L’âge médical peut commencer », les répliques du Knock, de Jules Romains, sont devenues proverbiales. Depuis sa création en 1923, le succès de la pièce ne s’est pas démenti, et tant pis pour la profession médicale, qui ne sort pas grandie des trois actes de cette comédie grinçante. Mais le plus impressionnant, dans ce texte, ce ne sont pas les traits d’humour, pourtant bien sentis. C’est la prescience de l’auteur, dont les avertissements, adressés à la médecine de son temps, gardent à bien des égards leur pertinence pour celle du nôtre.

L’intrigue, bien sûr, est connue. Le Dr Knock débarque à Saint-Maurice, village de quelques milliers d’âmes, pour reprendre la patientèle du Dr Parpalaid. Se faisant fort de parvenir à prospérer là où son confrère, selon le mot de sa propre épouse, « végétait », il applique des techniques inspirées du marketing : communication via l’inénarrable tambour de ville, consultations gratuites pour attirer le chaland, partenariat avec la pharmacie…

Derrière ses allures légères, la pièce de Jules Romains soulève des débats qui, près de cent ans après, agitent encore la sphère médicale. « "Tomber malade", vieille notion qui ne tient plus devant les données de la science actuelle, professe ainsi Knock devant le pharmacien Mousquet, quelque peu ébahi. Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints de maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide. » Et le médecin de plaider, bien sûr, en faveur du diagnostic précoce, quand le spectateur, lui, se pose la question du surdiagnostic.

Knock, déjà de la médecine sur tableur Excel

À l’acte III, on voit Knock exposer à Parpalaid, chiffres et graphiques à l’appui, les progrès effectués depuis les trois mois qu’il lui a repris sa patientèle. D’abord les consultations. « Mi-octobre : 37. Fin octobre : 90. Fin novembre : 128. Fin décembre : je n’ai pas encore fait le relevé, mais nous dépassons 150 », se vante Knock. Puis celui-ci passe à la courbe des traitements. « Début octobre, c’est la situation que vous me laissiez ; malades en traitement régulier à domicile : 0, n’est-ce pas ?, demande-t-il à Parpalaid. Fin octobre : 32. Fin novembre : 121. Fin décembre… notre chiffre se tiendra entre 245 et 250. » Jules Romains ne peut pas le savoir, mais le spectateur du XXIe siècle, en entendant cette tirade, ne peut que penser au management hospitalier actuel, si souvent accusé de se résumer à un tableau Excel.

Mais ce n’est pas tout. Car Knock, dévoué à sa tâche, mène « une vie de forçat », selon les mots de l’aubergiste, Madame Rémy, dont l’établissement connaît un succès croissant sous l’effet de la popularité du nouveau médecin. « Dès qu’il est levé, c’est pour courir aux visites, déclare-t-elle à un Parpalaid qui n’en croit pas ses oreilles. À dix heures, il passe à l’hôtel […]. Puis les consultations chez lui. Et les visites, de nouveau, jusqu’au bout du canton. Je sais bien qu’il a son automobile, une belle voiture neuve qu’il conduit à fond de train. Mais je suis sûre qu’il lui arrive plus d’une fois de déjeuner d’un sandwich. » Vous avez dit burnout ?

 

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