4 chirurgiens quittent leur hôpital en même temps pour monter leur structure libérale, ils nous expliquent…

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Mauvaise gestion, pas de vision, quatre chirurgiens orthopédistes ont décidé l’été dernier de quitter l’ESPIC où ils exerçaient. Ils se sont lancés tous les quatre en libéral, pour leur plus grand bonheur. Ils partagent leur enthousiasme…

4 chirurgiens quittent leur hôpital en même temps pour monter leur structure libérale, ils nous expliquent…

What’s up Doc : Vous êtes 4 médecins du même hôpital qui vous êtes lancés ensemble en libéral, qu’est-ce qui vous a motivés, l’envie du libéral ou le dégout de l’hôpital ?

Pierre GROBOST et Thomas CHEVILLOTTE : Oui, Nous sommes quatre, nous travaillions dans le même hôpital privé à but non lucratif, un ESPIC : Clément Silvestre, un PH et chef de service de 45 ans, Alice Darnis, une PH de 37 ans qui comptait rester toute sa carrière au même endroit, et nous deux, qui étions deux assistants. Nous, nous étions tentés par l’idée du libéral. Mais pour notre chef de service, et qui était à l’hôpital depuis 13 ans, ça a vraiment été le ras le bol de la gestion de l’hôpital.

 

Combien de temps avez-vous travaillé ensemble dans ce service dans cet hôpital ?

P. G. et T. C. : Nous sommes tous les quatre chirurgiens orthopédiques, sur la colonne vertébrale. Nous avons tous travaillé ensemble à l’hôpital pendant 3 ans, car nous avons fait avec Thomas 3 ans d’assistanat, dans le service de Clément. Les conditions de travail s’étaient fortement dégradées. Et un jour, il est venu nous poser la question, est-ce que si je pars, vous venez avec moi ? Il savait que nous avions des velléités libérales. Il y avait au total 7 ETP dans le service, et nous sommes 4 à être partis, dont le chef, à l’été 2021.

 

Et ce départ groupé à 4 de l’hôpital, ça a dû faire du bruit ?

P.G. et T.C. : Ça a été le coup de tonnerre dans l’hôpital. Ce n’était pas du tout attendu. La direction n'estimait pas sa gestion particulièrement mauvaise. Même si tout le corps médical n'en pensait pas moins. Mais le manque de moyen humain, technique, matériel, ce n’était pas tenable. La gestion en général. La politique de l’établissement était vers la restriction, peu d’investissement. Dès qu’on demandait quelque-chose, dès qu’il fallait un peu de budget ou dès que c’était trop compliqué : il n’y avait pas, il ne fallait pas… Donc ça nous énervait aussi, ce manque de visibilité à court terme et d’investissement.

 

Et vous êtes allés voir votre directeur tous les 4 ensemble ?

P.G. et T.C. : Non, on a annoncé d’abord notre départ à nos collègues médecins et aux cadres avec qui nous avions des relations privilégiées. Ensuite, Clément, le chef de service est allé voir le directeur pour lui annoncer qu’il partait et que l’on partait avec lui. Le directeur nous a proposé une réunion pour discuter. Il n’a pas vraiment cherché à nous retenir, il n’y a pas eu de proposition de continuer, de partenariat. Il a compris que notre décision était prise sans retour possible.

 

Vous aviez déjà monté votre structure ?

P.G. et T.C. : On avait anticipé, on savait qu’on pouvait être accueillis tous les quatre, dans une clinique qui était dans le même périmètre géographique. C’est ça qui était important car on voulait garder cette force du travail en équipe : opérer en binôme avec un assistant et un sénior, c’est comme ça qu’on progresse. Et la clinique nous a tout de suite promis des moyens. On a entendu pendant des années un discours, il n’y a pas de moyen, débrouillez-vous. Et là on vous explique qu’on va investir dans de l’équipement, dans du personnel. Le message c’est : vous êtes médecins, faites de la médecine et nous on s’occupe du reste.

 

Quel type de contrat avez-vous passé avec cette clinique ?

P.G. et T.C. : Nous avons monté une structure unique pour tous les 4 où nous sommes associés. Dans cette clinique, tout le monde est en libéral pur secteur 2. Donc on a dû en parallèle faire nos démarches auprès de la CPAM et d’inscription à l’ordre. Mais on a été conseillés correctement par un expert-comptable, par un bon juriste. Les praticiens libéraux de la clinique nous ont expliqué, voilà comment ça fonctionne. Nous avons été très bien accueillis, tout le monde était enthousiaste.

 

 

Et c’est compliqué de passer du salariat au libéral ?

P.G. et T.C. : Tout le monde s’en fait un monde, mais ça va. C’est du travail au début la création de cabinet mais c’est passionnant et c’est mentalement moins fatigant qu’avoir un directeur au-dessus qui nous bloque. Surtout quand on est 4 et qu’on se répartie les tâches de travail administratif. Chacun son rôle.

 

Et concrètement comment ça se passe avec la clinique ?

P.G. et T.C. : La clinique encaisse les honoraires, et nous rétrocède notre part, une fois déduite la commission. C’est elle qui recouvre les remboursements de la CPAM et des mutuelles. Les médecins s’occupent de leur métier, et la clinique s’occupe du recouvrement. Elle prend bien sûr une part pour se rémunérer et réinvestir dans le personnel et le matériel

 

Et donc on gagne vraiment plus en libéral ?

P.G. et T.C. : On gagne plus en libéral, on ne va pas se le cacher. On travaille sûrement plus aussi, mais avec uniquement de la médecine. On n’a pas à gérer des déprogrammations, trouver un lit, etc. Nous on a plus qu’à consulter et opérer, et un peu de gestion de cabinet. Globalement on a retrouvé la liberté de ne faire que du soin. Surtout notre chef de service qui faisait beaucoup d’administratif. Avant on passait un temps dingue à gérer des plannings appeler des patients pour les décommander : ‘la chirurgie est annulée parce qu’on a plus de lit.’ ‘Cette technique on ne pourra pas la faire parce qu’on n’a pas le matériel…’
 

Et comment expliquez-vous que ça marche mieux en clinique ?

P.G. et T.C. : Notre activité est lucrative. La différence, c’est la vision à long terme, une volonté d’investir et de croire en des projets. La directrice à la clinique est là depuis 18 ans, à l’hôpital la vision est à court terme, avec un budget annuel, sans perspective d’avenir, avec beaucoup de rotation dans les directions. J’ai toujours vu des hôpitaux avec un directeur qui change tous les 2-3 ans. Les ESPIC, c’est du privé à but non lucratif. Sur le papier il y a les avantages du privé et du public, mais la réalité c’est une structure privée avec le même fonctionnement en termes de management et de direction que l’hôpital public. Et donc ça a les mêmes résultats que l’hôpital public : c’est-à-dire, un départ des praticiens, une baisse de la qualité des soins, et pas de vision d’avenir. La même politique, mène au même résultat. Dans la clinique où on travaille les seuls actionnaires sont les praticiens, donc il n’y a pas d’actionnaires à rémunérer. Nous sommes en liberté, en indépendance et avec une vision d’avenir. On ne veut pas donner l’impression qu’on est meilleur que l’hôpital public, mais nous ça ne nous convenait pas.

 

C’est donc l’hôpital en général qui est mal géré ?

P.G. et T.C. : Si vous regardez bien il y a pas mal d’équipes qui ont bougé, dans différents domaines, même des professeurs universitaires avec des statuts confortables et rêvés à l’hôpital public ont décidé de le quitter. Et de plus en plus les jeunes praticiens vont vers le libéral pour les mêmes raisons que les nôtres. Oui, c’est global !

 

Et donc en nous parlant aujourd’hui, quel message voulez-vous faire passer aux médecins ?

P.G. et T.C. : Ceux qui sont malheureux dans leurs statuts il ne faut pas qu’ils hésitent à regarder à l’extérieur. Parce qu’en libéral quand on est plusieurs, les conditions de travail sont bonnes. On peut créer et travailler en équipe, on n’est pas forcément dans son petit cabinet, avec sa secrétaire. Il y a un équivalent de la médecine d’équipe en privé. Et donc, on peut tout faire, même de la grosse chirurgie, en se structurant. Quand on était internes on nous tenait le discours, dans le privé ils ne font que les trucs faciles. Leur objectif c’est de s’en mettre plein les poches et dès qu’il y a un problème, ils envoient à l’hôpital public. Nous nous sommes rendu compte que la réalité était tout autre. Ce qui est dommage c’est que pendant la formation d’interne, on n’a pas accès à un stage en clinique pour voir le fonctionnement. Tous ceux qui nous ont décrié l’hôpital privé, ce sont des gens qui n’y ont jamais travaillé. Notre message c’est juste ‘Allez voir’.

 

 

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