Vaccination antigrippale : les médecins sont-ils mauvais ?

Article Article

L’Assurance maladie organisait le 8 octobre une conférence de presse à destination des professionnels de santé. Laquelle a pris un tournant « grand public » inattendu.

Vaccination antigrippale : les médecins sont-ils mauvais ?

Moins d’un Français sur deux (47,2 %) considéré comme fragile au regard de la grippe est vacciné. C’est pas mal : le chiffre est en augmentation forte depuis quelques années, mais il masque peut-être une autre réalité : en plus de la carence en information et de la défiance de la population sur les vaccins, les professionnels de santé pourraient être un peu à la traîne.
 
C’est le sentiment qui ressort à l’issue d’une conférence de presse organisée le 8 octobre par l’Assurance maladie, sur le thème : « Comment répondre aux interrogations des patients et encourager à la vaccination  ?». What’s up Doc s’y est rendu, s’attendant à une communication sur la manière d’aborder le sujet, sur des éléments de langage, sur une sorte de formation à destination des acteurs de la santé. Au final, la discussion ressemblait à s’y méprendre à une conférence de presse destinée aux médias « grand public ». Est-ce vraiment mauvais signe ?

À lire aussi : Guide antiprofessionnel de ce qu’il ne faut pas dire à ses patients

Petit topo sur la grippe

Entre 2 et 6 millions de personnes touchées par la grippe tous les ans, plus de 65 000 passages aux urgences pour syndrome grippal en 2018-2019, dont plus de 10 000 ont conduit à une hospitalisation, et près de 10 000 décès tous âges confondus qui ont pu être attribués à la grippe ; un risque d’hospitalisation sept fois plus élevé pour les femmes enceintes ; 3 000 décès évitables si le taux de vaccination atteignait les 75 % fixés par l’OMS…
 
En plus d’un rappel des chiffres, les acteurs en présence (1) ont rappelé quelques messages essentiels : le vaccin contre la grippe utilise des virus inactivés, et est donc sans danger, n’est pas efficace à 100 % mais la protection est forte, et même les personnes qui ont la grippe après une vaccination font des formes moins sévères et ont statistiquement moins de risques de complications. Ils sont également rentrés un peu plus dans le détail du fonctionnement de l’immunité... Mais pas grand-chose pour les médecins et les autres professionnels de santé censés avoir déjà toutes ces informations.

Le salut dans les chiffres

Ils sont mauvais, alors ? Quatre ans après l’entrée dans les recommandations officielles de la vaccination antigrippale pour les femmes enceintes, une étude réalisée en 2016 a révélé que seulement 7 % d’entre elles sont vaccinées. Un chiffre qui ne peut pas être uniquement mis sur le dos de la défiance vaccinale.

À lire aussi :  Vaccination antigrippale : les médecins mis à l’écart ?

Mais pour le Dr Henri Partouche, rappeler ces chiffres n’est pas nécessairement un mauvais signal. « Lorsque les professionnels de santé sont bien informés sur l’innocuité des vaccins, sur leur efficacité réelle selon les populations, sur les adjuvants, sur les effets indésirables graves et comment répondre aux doutes des patients, ils n’ont pas de difficultés à convaincre dans une approche centrée patient » explique-t-il. « On peut parler de Guillain-Barré lié à la vaccination antigrippale en parlant d’un surrisque de 1 à 6 sur un million, en comparaison d’une incidence naturelle de 2 pour 100 000 par exemple. Donc si on donne les bonnes informations aux médecins, ils sont beaucoup plus à l’aise dans leur colloque singulier avec leurs patients ».
 
Pas besoin d’une formation particulière sur la manière d’engager la conversation ? « Les éléments de langage dépendent des données scientifiques probantes sur la vaccination. Il ne faut pas chercher à convaincre, mais plutôt écouter le patient dans une approche ouverte, et initier un entretien motivationnel même en cas de réticence très forte. Le colloque singulier permet souvent de délier les peurs infondées », insiste le Dr Partouche. « Il faut encourager les professionnels de santé à se renseigner, notamment sur le site de Santé publique France qui leur est destiné. Ils se forment, ils font du DPC. C’est aussi de leur responsabilité ». Pour combattre les réseaux sociaux et la désinformation, la pédagogie reste supérieure au paternalisme. Et pour cela, il faut donc des chiffres, et ne pas être approximatif. Voici le message du jour de l’Assurance maladie. Et puis aussi, bien sûr, se vacciner en tant que professionnel de santé.
 
(1) Dr Henri Partouche, MG et membre du Conseil scientifique du collège national des généralistes enseignants
Pr Olivier Lyon-Caen, neurologue et médecin-conseil national de la Cnam
Pr Bruno Lina, directeur du centre national de référence sur la grippe
Dr Bénédicte Coulm, sage-femme et docteur en épidémiologie
Dr Isabelle Vincent, responsable adjointe du Département de la prévention et de la promotion de la santé à la Cnam

 

Les gros dossiers

+ De gros dossiers