
© Midjourney x What's up Doc
« Une telle proposition, si elle était acceptée, entrainerait une inégalité de rémunération » entre les docteurs juniors en exercice libéral et ceux en salariat, a estimé la Conférence des doyennes et des doyens des facultés de médecine, dans un communiqué aujourd’hui.
La proposition en question, c’est celle suggérée par le rapport sur la mise en œuvre de la quatrième année d’internat de médecine générale, remis la semaine dernière aux deux ministères de tutelle.
Celui-ci propose d'introduire une rémunération à l'acte des docteurs juniors de quatrième année exerçant en libéral, consistant en « une rétrocession de 25% sur les honoraires perçus », dans une fourchette de 10 à 25 actes réalisés par jour.
Un format mixte, « une base sécurisante »
Autrement dit, en plus de leur rémunération fixe, les internes percevront 25% des honoraires générés par les actes qu’ils réalisent eux-mêmes, le reste pouvant aller au maître de stage ou à la structure d’accueil. Une mesure que les auteurs du rapport justifient notamment comme une manière d’apprendre le fonctionnement d’un cabinet médical.
Ce format de rémunération mixte est d'ailleurs approuvé par les représentants des internes de médecine générale. « On est complètement en accord avec eux » a déclaré à What's up Doc Bastien Bailleul, président de l'isnar-IMG, qui rappelle que la part fixe du salaire constitue « une base sécurisante » pour les docteurs juniors.
« Avec une rétrocession à 25%, on arrive à des salaires de docteurs juniors qui peuvent atteindre 4 500€ bruts », correspondant à la limite fixée à l'époque par le ministre de la santé, François Braun, ajoute-t-il.
Mais l'argument avancé par les auteurs du rapport ne justifie pas la rémunération à l’acte, selon les doyens : « la découverte de l’exercice médical ambulatoire est un objectif de la "phase de consolidation" dans de nombreuses autres spécialités, sans que cela fasse l’objet d’une rémunération à l’acte », écrivent-ils.
« Une brèche éthique sans précédent »
Ainsi, la mise en place de cette proposition entrainerait « une inégalité » de rémunération entre ceux qui exercent en libéral et les autres, estiment les doyens, qui rappellent la variété des exercices salariés (hôpitaux, centres de santé, PMI…).
Et cette rémunération à l’acte risque aussi de faire des jaloux ailleurs, les docteurs juniors des autres spécialités pourront « légitimement » demander à bénéficier des mêmes conditions de rémunération que leurs camarades.
À ce titre, la Conférence, qui renouvelle son soutien à la réforme, s’oppose à cette mesure qui constitue selon elle, « une brèche éthique sans précédent » dans la formation. Et ce, alors même que « l’État a toujours garanti l’équité de traitement et de rémunération des étudiants », notamment pour ne pas qu’ils orientent leur choix professionnel en fonction de ce seul critère.
De plus, un docteur junior « reste un étudiant interne », et bénéficie à ce titre d’une rémunération forfaitaire. « Les étudiants internes ne peuvent pas être considérés comme des professionnels libéraux, même lorsque leur stage de formation se déroule en milieu libéral », ajoutent les doyens.
L'introduction d'une rémunération à l'acte « risque (également) de favoriser la demande de stages en exercice libéral au détriment des stages en milieu hospitalier », contribuant à mettre « en difficulté » les hôpitaux, concluent les doyens, qui restent « vigilants » sur les moyens qui seront alloués à la réforme, notamment en termes de recrutement de maître de stages et d’enseignants.
Cette opposition « par principe » des doyens ne surprend pas vraiment Bastien Bailleul. « La plupart d'entre eux ne connaissent que le système hospitalier et y sont très attachés (...). Sur l'ambulatoire, ils ne sont pas dans leur domaine, on les sent un peu hésitants », estime-t-il.
Du côté de l'Isni, qui avait exprimé par la grève son mécontentement sur une réforme « inapplicable » en l’état, pas sûr que la part de rétrocession suggérée convienne, l'intersyndicale militant pour une rémunération unique à l'acte, mais avec une plus forte rétrocession.
« Notre volonté, c’est (…) 60% de rétrocession et une possibilité, sur la base du volontariat, de participer à la PDSA avec une rétrocession de 100% des gardes effectuées », avait déclaré le mois dernier Thomas Citti, vice-président chargé des politiques de santé de l'Isni.