Rendu célèbre pour sa participation pendant de nombreuses années aux émissions de Yann Barthès, Hugo Clément est ce qu’on peut appeler un journaliste engagé, qui milite activement pour le bien-être animal et la préservation de l’environnement. Des causes évidemment louables mais qui, pour certains, semblent justifier de tordre quelque peu la vérité.
Dans son dernier reportage pour son émission Sur le Front, diffusé sur France 5 le 14 novembre dernier et intitulé Médicaments : la bombe à retardement, le journaliste militant dresse ainsi un tableau particulièrement alarmant de l’utilisation des antibiotiques dans les élevages français. Dans une séquence de l’émission, Hugo Clément interviewe un éleveur anonyme, qui explique que la politique d’élevage intensif imposé par les coopératives agricoles l’oblige à administrer à ses lapins des antibiotiques en préventif, accentuant ainsi le risque d’antibiorésistance.
Scandale sanitaire ou « valse de fake news » ?
Le même éleveur révèle que la viande de ces lapins bourrés d’antibiotiques est ensuite vendue aux consommateurs, sans qu’ils en soient prévenus. « Il est hors de question que je mange ces bêtes » explique l’éleveur à Hugo Clément. Le journaliste a en outre renchéri lors d’un passage sur France Inter le 16 novembre dernier, au cours duquel il a expliqué que « 99 % des lapins en France sont élevés en cages dans des conditions similaires ». A peu de chose près, Hugo Clément indique ainsi avoir révélé un véritable scandale sanitaire de grande ampleur.
Sauf que pour beaucoup de médecins vétérinaires et d’éleveurs, ce reportage est en réalité rempli d’approximations et ils n’ont pas manqué de le faire savoir sur les réseaux sociaux. Très actif sur Twitter, le « Dr Toudou » (pseudonyme de Tudual le Bras, médecin vétérinaire rural) explique ainsi que les vétérinaires « ne mettent pas d’antibiotiques en préventif, c’est tout simplement illégal ».
Même son de cloche chez Yves Roullier, éleveur de lapins dans la Drôme, qui rappelle que « chez les lapins, la consommation d’antibiotiques a baissé de 55 % en 20 ans » avant de rappeler comment la filière a œuvré pendant plusieurs années pour mettre fin à la surutilisation d’antibiotiques.
Le coup de grâce est finalement apporté par la journaliste Géraldine Woessner, qui qualifie sur Twitter les propos d’Hugo Clément de « valse de fake news, l’air de ne pas y toucher ». Elle rappelle ainsi que la loi interdit de mettre en vente de la viande contenant des antibiotiques, reprenant ainsi les propos de Benoit Rouillé, expert à l’institut de l’élevage, qui indique que « les éleveurs doivent gérer des délais d’attente quand ils en utilisent pour soigner les animaux ».
Baisse de près de 60 % de la consommation d’antibiotiques dans les élevages
Surtout, elle rappelle les conclusions de deux rapports publiés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) jeudi dernier. Le premier, portant sur la consommation de médicaments par les animaux, indique que les ventes d’antibiotiques vétérinaires ont baissé de 59,5 % entre 2011 et 2021. L’exposition aux antibiotiques a notamment diminué de 23 % chez les bovins, 58,5 % chez les porcs et de 68 % chez les volailles.
Le second rapport établit quant à lui que l’antibiorésistance est en recul chez les animaux d’élevage, notamment grâce à la forte baisse d’exposition des animaux aux fluoroquinolones (-87 % depuis 2013) et aux céphalosporines de dernières générations (-94 % depuis 2013).
En réalité, n’en déplaise à Hugo Clément, il semblerait que ce soit plutôt les gentils consommateurs que les méchants éleveurs qui consomment abusivement des antibiotiques. Un récent rapport de Santé Publique France indique ainsi que la consommation d’antibiotiques en santé humaine a augmenté entre 2020 et 2021, incitant les autorités sanitaires à relancer une campagne de sensibilisation sur l’usage raisonnée des antibiotiques. Une surconsommation qui impacte également nos amis à quatre pattes : l’utilisation d’antibiotiques a augmenté de 10 % sur an chez les chiens et chats l’an dernier.
Grégoire Griffard
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