Fermeture annoncée pour le musée d'anatomie pathologique

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Le musée Dupuytren met ses squelettes au placard

Fermeture annoncée pour le musée d'anatomie pathologique

Le 25 mars, le musée d'anatomie pathologique du campus des Cordeliers à Paris fermera ses portes pour une durée indéterminée. Son avenir est incertain et ce lieu d'apprentissage de la médecine pourrait dorénavant être condamné à un accès restreint.

C’est une véritable hécatombe pour les lieux symboliques de l'histoire de la médecine. En à peine quelques décennies, les fonds d’anatomie pathologique ferment leurs portes au public les uns après les autres. L'un des cas les plus récents concernait le très riche musée Orfila, exilé en partie à la faculté de médecine de Montpellier mais dont le reste des pièces est stocké à l'abri des regards dans des conditions rudimentaires.

Disparu un jour, disparu toujours

Est-ce le destin qui attend le très célèbre musée Dupuytren ? C'est ce que craignent bon nombre des signataires de la pétition lancée il y a un peu plus d'un mois pour sauver ce « trésor patrimonial » de la médecine.

Plus vieux musée d'anatomie pathologique de France (ouvert en 1835 ! ), Dupuytren est également le plus riche et le plus varié du monde. Reconnu à l'international, ce bestiaire exceptionnel a donné lieu à de très nombreuses recherches, et plus particulièrement durant les quinze dernières années. Hébergeant des exemples de pathologies exceptionnelles, c'est aussi l'un des lieux incontournables pour les étudiants en médecine de Paris Descartes. 

Ils ont d'ailleurs été nombreux, accompagnés des jeunes médecins et doctorants de France et de Navarre, à condamner cette décision. Plus de 10 000 personnes ont signé une pétition adressée à une quarantaine de grands noms de la médecine. Malheureusement, cet appel à l'aide n'a trouvé qu'un écho très discret auprès des instances universitaires, principales décisionnaires dans cette affaire. 

Interrogée par téléphone, Claire De Thoisy-Méchin, responsable du pôle communication de l'Université-Pierre-et-Marie-Curie n'a pas souhaité s'exprimer et s'est contenté de l'envoi d'un simple communiqué de presse mettant l'accent sur l' « état de vétusté » du bâtiment. Une vétusté qui forcerait la faculté à entreposer les pièces d'anatomie pathologique dans les locaux souterrains de Jussieu et à en restreindre l'accès aux chercheurs et étudiants sur rendez-vous. 
 
Une fermeture tout à fait dommageable

Martine Chauffeté, professeure d'anglais médical à Paris Descartes a mis en ligne la pétition. « La décision de fermer le musée pour récupérer les locaux semble disproportionnée », déplore-t-elle. « Déménager le musée une première fois, puis une seconde s'il y avait éventuellement réouverture au public, engage des dépenses considérables. Pourquoi, dans ce cas, ne pas investir ces mêmes sommes dans la rénovation du musée ? Notre plus grande crainte, c'est que les collections uniques et d'une valeur pédagogique, historique, inestimables soient délaissées et qu'elles périclitent. » L'argument de la vétusté, elle n'y croit d'ailleurs pas. « Les installations électriques de la faculté de médecine ont été rénovées récemment. Comment se fait-il que le musée n'ait pas été concerné ? »

Avec environ 23 000 visiteurs, en majorité des apprentis médecins, Dupuytren est la collection universitaire la plus visitée, toute discipline confondues, précise Martine Chauffeté. C'est donc une double incompréhension qui agite les esprits des inconditionnels du précieux musée des Cordeliers. 

Nathalie Latour, restauratrice chargée de l'expertise des pièces en cire de la collection, déplore, elle aussi, la fermeture au public « de la plus grande collection de céroplastie de Pinson, et la plus riche en modèles d'anatomie pathologique au monde. » Un patrimoine historique essentiel, que sa profession lui permet de côtoyer au quotidien. Pour elle le constat est sans appel : notre patrimoine médical mérite une mise en valeur à la hauteur de son importance pédagogique et historique. 

« Voir pour savoir », est un leitmotiv que défend avec passion le musée Dupuytren. Ayant vocation à former les aspirants médecins aux subtilités de pathologies rares et souvent disparues, sa fermeture imminente fera perdre un peu plus la vue à l'histoire de la médecine.  

Source:

Johana Hallmann

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