On était au grand débat de L’Opinion sur les 5 piliers de la Santé au futur, on vous dit tout

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Des mutuelles, des médecins, des ingénieurs, des syndicats et même notre boss le Pr Matthieu Durand (venu parler de robotique dans la chirurgie), pendant plus de trois heures, le journal L’Opinion a rassemblé un aréopage d’experts pour définir les 5 piliers de la Santé du futur. Voilà ce qu’il faut en garder.

On était au grand débat de L’Opinion sur les 5 piliers de la Santé au futur, on vous dit tout

Matthieu Durand, chirugien urologue, PUPH et directeur de What's up Doc, lors du débat sur Les 5 piliers de la Santé au futur, organisé par le journal L'Opinion.

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Déjà, pour commencer, quels sont ces 5 piliers de la Santé du futur, il fallait bien faire un choix, voici celui de L’Opinion : l’innovation, les données de santé, le parcours de soins, la règlementation et la prévention.

Comment simplifier le parcours de soins pour le patient ?


Comment simplifier le parcours de soins pour le patient ?

Le constat, on le connait : 11% des Français n’ont pas de médecin traitant, même si Agnès Gianotti, médecin généraliste et présidente de MG France nuance, « 5% des Français n’en ont jamais eu et n’en veulent surtout pas, la médecine ne les intéressent pas, en revanche, 600 000 patients atteints d’une maladie chronique (ALD) auraient bien besoin d’un médecin et n’en ont pas ». La syndicaliste soulève un autre problème : « Sur 100 000 généralistes en France, 40% n’exercent pas en tant que médecins traitants, il est là le problème. Ainsi que la démographie, 1/3 des généraliste a plus de 60 ans. Donc là, nous avons 10 ans difficile à passer, ensuite on retrouvera des chiffres de croisière. »

Durant le débat des solutions sont abordées pour améliorer l’accès au parcours de soins pour les patients :

  • En France les médecins travaillent quasi seuls 0,3 équivalent temps plein par médecin quand en Europe la moyenne est à 2,3 collaborateurs par médecin. La généralisation des assistants médicaux qui permettrait que chaque médecin récupère du temps médical et prenne en charge plus de patients serait une solution. Le but, passer de 1 000 patients par médecin à un peu plus de 1 200 patients par médecin.

C’est aussi le but de l’Assurance Maladie, comme l’explique, Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de l’Assurance Maladie : « L’accès au soin est au cœur de la discussion. Pour l’Assurance Maladie, il faut un médecin traitant par patient. L’objectif c’est ça, donc pas de système à deux vitesses. Pas de délégation à des paramédicaux sans être supervisés par un médecin. L’objectif c’est de faire en sorte que le médecin traitant puisse voir plus de patients. Il faut passer de 1 000 à 1 286 patients par médecin, sans alourdir le temps de travail des médecins, déjà chargés. On a des officines avec un maillage territorial, des infirmiers bien formés, et c’est là que les CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé) font sens, avec le médecin traitant qui supervise la santé de son patient. »

  • Développer les CPTS : « il faut déléguer les protocoles d’urgence aux infirmiers, aux pharmaciens dans le cadre des 400 CPTS qui couvrent déjà 40% du territoire. Notre objectif à l’AM c’est que les CPTS couvrent l’ensemble du territoire. Pouvoir dire aux soignants, localement, vous connaissez la population, les besoins, voici les clés et maintenant trouvez les solutions. »

David Guillet, est justement infirmier libéral à Cossé-le-Vivien (Mayenne), président de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) : « Les CPTS sont un organe de coordination, on participe à un parcours de soins, avec tous les acteurs d’un territoire, pour organiser un parcours de soins. Le vrai lancement a eu lieu en 2018. Et dans les endroits où les CPTS fonctionnent, elles permettent la circulation de l’information, la fluidité dans les échanges, c’est une simplification. On peut interpeller les bons acteurs au bon moment. Ça peut bouger, s’adapter aux évènements, aux besoins. Ça permet de valoriser les hôpitaux de proximité, pour certains patients, et libérer les CHU. »

Céline Jardy-Triola, est médecin généraliste (ex-urgentiste), présidente et co-fondatrice de Focus Santé SAS (UrgencesChrono), elle nuance la facilité d’installation des CPTS. « Certains médecins, certains pharmaciens ne voient pas l’intérêt, alors que oui dans la délégation de soins, les CPTS sont très précieuses. Pour la prise en charge d’un patient chronique, on peut s’appuyer sur une IPA qui peut assurer une surveillance et faire remonter l’information. » La généraliste insiste aussi sur « la paperasse, les certificats, les dossiers à remplir pour la MDPH, on passe notre vie à ça. Par ailleurs, il y a un vrai manque de coordination entre les professionnels de santé, savoir qui a fait quoi à qui. »

  • Augmenter la subsidiarité. Josette Guéniau, associée fondatrice du Cabinet JGSC, directrice de l’Observatoire santé et innovation de l’institut Sapiens : « Je suis surprise qu’on n’applique pas la subsidiarité : Faire faire par les autres, les vaccins par les pharmaciens et les infirmiers par exemple. Il faut foncer, c’est une question d’efficience. Dans d’autres pays on n’a pas de médecin traitant on a un professionnel de santé référent. Il faudrait créer ces fonctions chez nous. Au Danemark, dans les régions reculées, les IPA ont des mallettes, et réfèrent à des médecins en téléconsultation, car le territoire est immense et séparé par la mer. Les médecins ne sont pas formés à la gestion, et ce n’est pas à ça qu’ils servent, il faut créer des structures support. »

L’experte en Santé pointe un autre problème, « un des grands maux français, c’est le manque d’éducation à la santé de la population. Dans ce pays les gens doivent comprendre comment est fait notre système, comment il évolue, combien il coûte. Il faut réapprendre la base. »

La télémédecine : le ticket gagnant ?

 

La télémédecine le ticket gagnant

Un bilan sur la télémédecine s’impose. Depuis le Covid, le principe s’est généralisé, comme l’explique Isabelle Cambreleng, directrice des opérations MesDocteurs chez Cegedim Santé : « il y a eu déjà 5 millions de téléconsultations depuis début 2022 et alors qu’on était à 75 000 seulement en 2019. Cela représente 3,7% des consultations totales des généralistes. Et bien sûr que dans le cas des maladies chroniques, elle prend tout son sens, en libérant du temps pour d’autres consultations. »

Pierre Hornus, co-fondateur et CEO de Semeia, livre un focus sur la télé-surveillance : « on fait de la télésurveillance, pour avoir accès aux données aux constantes des patients, partout en France. L’équipe de soins peut avoir accès aux données, et le gain de temps dans la recherche des données est évident. On évite aux patients de se rendre en consultation. Le patient se sent bien suivi, les remontées sont automatiques vers l’équipe de soins, avec des alertes automatiques si besoin. On travaille principalement en oncologie, néphrologie, psychiatrie, rhumatologie... »

IA, innovation et R&D au bénéfice de la santé ?

 

IA, innovation et R&D au bénéfice de la santé ?

Paris Santé Campus c’est quoi ? Antoine Tesnière, professeur d’anesthésie-réanimation, directeur de Paris santé campus, présente ce nouveau pôle d’innovation parisien qui prendra bientôt ses quartiers au Val de Grâce. « Nous sommes un lien entre les acteurs de l’innovation, publics, privés, pour créer des synergies, accélérer la recherche et l’innovation et transformer l’innovation en usage. Il faut que les entreprises deviennent des champions, comme Doctolib et Alan. »

Raphaël Beaufret, co-responsable du numérique en santé, délégué ministériel au numérique en santé (DNS), est venu évangéliser sur Mon Espace Santé : « Avec MES, on veut que les patients retrouvent leurs données : carnet de santé électronique des Français depuis janvier 2022, ouvert par défaut à tous, on y retrouve les remboursements, les documents sanitaires, donc les données santé des patients, mais aussi un agenda de santé, et bientôt un catalogue d’applications. L’état plateforme, qui met en avant des app labellisées, c'est maintenant. »

Séverine Salgado, directrice générale de la Fédération Nationale de la Mutualité Française met l’accent sur l’importance des données de santé pour les patients : « Les données médicales sont personnelles, elles appartiennent à l’individu, ce principe n’a pas été remis en cause, le professionnel de santé en est le dépositaire. Aucun médecin n’a le droit de ne pas les transmettre. Les mutuelles demandent les données dont elles ont besoin pour remplir leurs missions. On a des accès aux bases de données de l’assurance maladie, cela nous permet de discuter avec les pouvoirs publics. Mais les mutuelles voudraient pouvoir valoriser les données, pas seulement pouvoir les utiliser pour délivrer un paiement. »

Bien entendu, Stéphane Barde, directeur data de Malakoff-Humanis, la rejoint sur ce point : « Les données sont collectées pour une finalité, avec un consentement éclairé. Il faudrait encore plus de données, elles existent, elles ne seront jamais dans le DMP, alors que pour la santé pour l’innovation ce serait top. On essaye de proposer des services quand l’assuré en a besoin. Il faudrait trouver peut-être un consentement d’intérêt général pour les données et leur traitements potentiels par l’IA. »

IA, robotisation... Quel gain pour le système de santé... et le patient ?

 

IA, robotisation, quel gain pour le système de santé

C’est sur ce sujet qu’intervient Pr Matthieu Durand, chirurgien urologue, PU-PH et chef du programme robotique du CHU de Nice, il raconte l’installation d’une lignée de robots chirurgicaux de chez Intuitiv au CHU de Nice, et de leurs mises en place : « Le CHU de Nice, est le 2e en France à avoir acheté ce robot en 2006. Ça a été une révolution des pratiques. Nous en sommes depuis à la 4e génération. Le chirurgien opère à distance du plateau, le patient dort, on va placer des dispositifs, placer des instruments, puis quatre bras robotiques, vont inciser, disséquer, suturer… dans le prolongement de notre action d'opérateur. La chirurgie ouverte a des conséquences : exposition des organes, douleurs post-opératoires, consommations de morphiniques, délai de cicatrisation plus long, durée du séjour allongée et leur conséquences socio-pro avec plus d'arrêts de travail. Le robot permet une chirurgie mini invasive - comme la laparoscopie -, facilitant même certaines interventions pour une prise en charge en ambulatoire (NDLR : sur une seule journée), avec besoin de moins de personnels soignants parfois (notamment IDE de bloc), dans les périodes de pénurie actuelle c’est pas mal ! avec en plus des gestes plus minutieux. Et puis un autre avantage qui concerne la formation et le bénéfice patient au sujet de la learning curve en chirurgie - c’est le temps qu’il faut pour maitriser un geste opératoire -. En robotique, les études le montrent significative (Thompson Eur Urol 2018), on est plus tôt au moins aussi performants, ce qui signifie qu'il faut moins d'actes pour être aussi bon techniquement. Donc la robotique en chirurgie, et notamment grâce au leader actuel Intuitiv qui a façonné le tournant générationnel des pratiques chirurgicales depuis les années 2000, ça apporte progressivement avec son développement un changement des cultures opératoires et un nivellement par le haut du niveau des résultats chirurgicaux, plus tôt dans les carrières des chirurgiens. Mais, c’est une technologie, ça ne vit pas seul, ça vit avec des hommes et des femmes qui se l’approprient. Donc, au lancement il y a eu des débats sur l’usage, parce que du coup le chirurgien n’a plus la main direct sur le patient, voire dans le patient : changement de paradigme complet. Et de fait, la robotique vient en rupture potentiellement avec le choix initial du chirurgien - pour faire ce métier - qui à l'origine, sans doute, voulait opérer de ses mains selon une image caractéristique de ce métier qu'on a tous inconsciemment. Pour cela, il aura fallu des années pour que le CHU de Nice soit performant, mais désormais, c'est le cas. Avec plus de 535 actes l'année dernière, sur la plateforme robotique de notre institution, nous étions parmi les plus optimisés en France, en terme de parcours opératoire robotique. Ça n'est pas une course du tout, mais ça reflète une très bonne cohésion d'équipe de soignants, d'anesthésistes, de chirurgiens et de dirigeants rassemblés autour d'une technologie au service des patients."

Paul Giraud, oncologue radiothérapeute, chef de clinique Hôpitaux Universitaires Pitié Salpêtrière - Charles Foix (APHP) travaille sur l’IA dans le traitement des cancers : « J’utilise des rayons X pour traiter le patient du cancer. Et avant ça je fais un scanner pour voir où cibler les rayons, et quoi protéger. Pour contourer un cancer ORL ça peut prendre 2 à 3 heures, et avec de l’IA, et des algorithmes, on est passé à moins d’une heure, donc on gagne du temps médical. Idem pour la dosimétrie, ça peut être optimisée avec l’IA aussi.
Mais nous restons le gage de cet algorithme qui par manque de données n’est pas encore parfait. Pour l’instant c’est une décision médicale qui dépend de cohorte et de l’expérience du médecin. En IA, j’aimerais prédire, évaluer le pronostic, et affiner le risque en fonction du succès, mais il y a un gros travail sur la donnée. Les nomenclatures ne sont pas les mêmes selon les centres, il faut une structure pour récupérer les scans, lister les effets secondaires, les pronostics, et apprendre à tous coter de la même manière. »

 

Renforcer la prévention en entreprise, un impératif

 

Renforcer la prévention en entreprise, un impératif

Dernier pilier, dernière table ronde, la prévention, comment aller plus loin, particulièrement en entreprise. Laurent Borella, directeur santé de Malakoff Humanis commence par clarifier ce qu’est la prévention primaire, « apprentissage d’un style de vie propice à la santé, addiction, nutrition », secondaire, « détection précoce des pathologies » et tertiaire « le suivi et la stabilisation des pathologies chroniques ». « Le système de santé français est à la croisée des chemins. On est un des plus mauvais pays du monde en matière de prévention. Il faut élargir la prévention du seul champ sanitaire. Nous avons un rôle à jouer en matière de prévention, sur le lieu de travail et de vie. La prévention doit rentrer dans la vie quotidienne.
On peut faire beaucoup, les DRH sont demandeurs sur les risques des salariés, il manque des médecins du travail, il faut lutter contre l’absentéisme, on doit aller vers la prévention personnalisée, passer de la prévention un peu punitive et moraliste à une logique de compréhension, de sa situation personnelle. »

Laurence Breton-Kueny, DRH du groupe Afnor, vice-présidente de l’Association nationale des DRH (ANDRH) alerte : « Il y une nouvelle loi santé au travail, mais il n’y a plus de médecins du travail. Il en reste 4 800, âgés en moyenne de 55 ans, et très mal répartis sur le territoire. Donc elle est compliquée à mettre en place. »

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/live/en-live-la-soiree-des-hopitaux-du-point-2022

Le député (MoDem) du Rhône, président du groupe d’études Prévention à l’Assemblée nationale, Cyrille Isaac Sibille explique notre retard sur la prévention par l’histoire : « Notre système de santé, date du CNR de 1945, là on fait le 2e. La promesse en 1945 était si on est malade on vous soigne, et donc on dépense 240 milliards par an pour ça. On ne disait pas je m’occupe de votre santé, la santé était laissée à l’individu. Et du coup, là on voit qu’on dépense beaucoup pour soigner, et peu pour prévenir. Qui pilote la Santé au travail, le patron, le DRH, le médecin du travail, les complémentaires… Quelles sont les données ? Quels sont les objectifs ? »

 

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