En direct des Urgences d’Orléans en grève : «Tout le monde a craqué, les gens revenaient travailler en pleurant»

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"L'activité (...) est limitée à la prise en charge exclusive des urgences vitales" : sans infirmières, toutes en arrêt maladie pour dénoncer leurs conditions de travail, et avec un mouvement de grève des médecins depuis vendredi 8 Avril, les urgences de l'hôpital d'Orléans (CHRO) explosent.

En direct des Urgences d’Orléans en grève : «Tout le monde a craqué, les gens revenaient travailler en pleurant»

Des dizaines de brancards s'entassent dans un coin du sas des ambulances. Aucun bruit ou presque, à part celui des rafales de vent de la tempête Diego.

Les couloirs sonnent creux, eux qui voient passer environ 180 patients par jour. La salle d'attente n'accueille personne. Pour accéder au service, il faut sonner à l'interphone. On entre seulement si on est dirigé par le Samu ou suffisamment mal en point pour qu'il existe un doute sur le pronostic vital du visiteur.

D'habitude, "il y a tellement d'activités qu'il y a trois ou quatre heures d'attente simplement pour voir l'infirmière d'accueil et de tri", raconte le Dr Matthieu Gallois, gréviste réquisitionné.

Ensuite, "la galère continue" pour les patients : six ou sept heures pour voir un médecin. "Une fois que nous avons fait notre travail d'urgentistes, (...) c'est là que le bât blesse, on n'a pas de lits pour hospitaliser les gens", regrette le médecin. "Ils restent aux urgences sur des brancards pendant des jours. Voilà ce contre quoi on se bat."

Pour dénoncer la situation, les infirmières avaient frappé les premières fin mars. Suite au décès d'un patient dans un couloir, toutes ou presque se sont mises en arrêt maladie.

"Ce n'est pas ce que l'on veut quand on est soignant", raconte Céline Fauconnier. "Tout le monde a craqué. Les gens revenaient travailler en pleurant. Moi, je suis revenue de congé maternité et je n'ai pas reconnu l'équipe."

"On ne soigne plus, on n'a même plus le temps d'être humaine", regrette-t-elle. "On se détruit à travailler dans ces conditions-là."

Une collègue, aux urgences depuis une dizaine d'années, abonde, sous couvert de l'anonymat : "On n'en peut plus. La direction ne comprend pas ce que l'on vit. On rentre chez nous, on pleure. On alerte et rien n'est fait. A un moment, on dit stop, ce n'est plus possible."

Selon le directeur du CHRO, Olivier Boyer, l'origine du mal est bien identifiée. Face à un manque d'infirmières, l'hôpital a été contraint de fermer 150 de ses 1 000 lits dans ses différents services.

Une réduction "considérable" des capacités d'hospitalisation, explique-t-il, dans une période où davantage de patients se rendent aux urgences "notamment à cause des retards de soins liés au Covid".

« Le problème est ingérable sans rouvrir ces 150 lits »

A Orléans, Ce phénomène national prend "une dimension particulière" en raison du manque de médecins et d'infirmières. Le Loiret est l'un des pires déserts médicaux de France, avec environ "la moitié de la densité médicale française".

Si le directeur annonce quelques mesures techniques pour désengorger les urgences, elles ne satisfont pas les médecins grévistes et n'annoncent pas une amélioration immédiate. De l'aveu même du haut fonctionnaire, le problème sera "difficile à régler, sans rouvrir ces 150 lits".

Pour les urgentistes, des alternatives existent. Ils réclament par exemple des lits réservés aux patients des urgences dans les autres services, ainsi que la création d'une cellule de gestion des lits, pour décharger les urgentistes. Des mesures mises en place ailleurs, mais pas au CHRO, selon le Dr Lacroix.

Dans un couloir, le Dr Paul-Louis Martin sort d'une réunion avec tous les chefs de service de l'hôpital. Impossible d'absorber le trop plein. "Tout le monde fait déjà son maximum, les capacités d'hospitalisation de l'hôpital sont déjà maximales", résume-t-il.

Il réclame tout de même "des solutions qui sortent du cadre", "d'avoir la possibilité d'hospitaliser des malades dans l'hôpital mais également ailleurs", de "pouvoir transférer facilement des malades". Bref de "l'optimisation" d'une situation "dysfonctionnelle".

"Il y a une grande pénurie de médecins mais il y a des ressources, on a des cliniques" privées à proximité, lance le jeune médecin. "Mais tout ça, ce n'est pas nous qui pouvons l'organiser. Ce n'est pas nos confrères surchargés dans les étages, qui peuvent l'organiser. Ça doit passer par nos instances. La direction et l'ARS doivent prendre leurs responsabilités."

Avec AFP

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