A Laval, les urgences au bord de l'asphyxie en grève depuis deux mois

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Partiellement fermées la nuit en novembre, les urgences de l'hôpital de Laval sont au bord de l'asphyxie, avec deux tiers de médecins manquants. Il y a près de deux mois, le personnel a entamé une grève illimitée contre une situation « désastreuse pour la population ».

A Laval, les urgences au bord de l'asphyxie en grève depuis deux mois

Au pied d'une immense tour, l'alerte est lancée sur un drap blanc : « Urgence aux urgences ». En grève depuis le 9 octobre mais assignés à leur poste faute d'effectifs suffisants, les urgentistes de Laval ont dû aller à la rencontre de la population en dehors de leur travail pour exprimer leur colère. « Ils travaillent 24H/24 et n'ont même pas le temps de manger », observe Fettah, venu accompagner sa fille.

Avec 35.000 passages par an, le service est la référence en Mayenne, sixième département le moins doté de France en médecins généralistes, selon l'Insee. Faute de médecin traitant ou de rendez-vous rapide, beaucoup de Mayennais arrivent aux urgences.

Le docteur Caroline Brémaud, cheffe des urgences, chronique son quotidien chaotique sur Twitter « pour porter le débat de la santé sur la place publique ». « A 00H30, entre une thrombolyse et une crise convulsive, il faut aussi gérer le planning des semaines à venir... Seize plages de douze heures à combler », raconte-t-elle en vidéo.

« Pour fonctionner sans remplaçants ni heures supplémentaires, il faut 16 à 18 médecins équivalent temps plein et nous sommes cinq », résume-t-elle pour l'AFP, stéthoscope rose au cou. « On met la vie de patients en danger », assure la quadragénaire, régulièrement contrainte de revenir travailler pendant ses vacances.

Faute de médecins, le service a partiellement fermé la nuit début novembre, à la surprise générale. En dehors des urgences vitales toujours ouvertes, les patients ont été redirigés à une trentaine de kilomètres. « C'est désastreux pour la population », confie une infirmière « démoralisée ». Si l'arrivée de la réserve sanitaire a desserré l'étau, il s'agit « d'un dispositif de secours », rappellent les syndicats.

« Il peut y avoir jusqu'à 18 brancards dans les couloirs »

« La direction a choisi le scénario le moins catastrophique possible mais on travaille en mode dégradé et il peut y avoir des retards de prise en charge si tout le monde appelle le Samu en même temps », estime Meryame El Hamdaoui, déléguée syndicale CGT.

En l'absence de lits pour hospitaliser les patients qui le nécessitent, ces derniers stagnent aux urgences, sur des brancards. « Le matin, les médecins récupèrent les patients de la veille, voire de l'avant-veille. Il peut y avoir jusqu'à 18 brancards dans les couloirs », se désole la syndicaliste.

Vendredi 19 novembre, le millier d'infirmières et aides-soignantes de l'hôpital ont reçu un SMS de la direction les invitant à se porter volontaires pour des gardes le week-end en raison d'une « très forte tension » sur les lits.

« Ils se sont aperçus la veille d'un week-end que les urgences étaient pleines, avec zéro lit disponible pour les désengorger. Il a fallu rouvrir sauvagement douze », vitupère Maxime Lebigot, délégué syndical FO.

Interrogé par l'AFP, le directeur général Christophe Menuet se veut rassurant : « On a eu un afflux important et comme il n'y avait pas de lits disponibles on a rouvert, comme chaque hiver, une aile supplémentaire, ce qui nécessite de solliciter du personnel en repos ».

Les urgentistes se plaignent aussi de la vétusté de leurs locaux. « On est dans une spirale négative. En 20 ans, plus de 800 lits ont été détruits. On réfléchit aujourd'hui à un ‘Algeco’ pour étendre les urgences, c'est du rafistolage », dénonce le maire de Laval Florian Bercault (DVG), qui réclame 185 à 260 millions d'euros pour rénover l'hôpital. Dans le cadre du Ségur de la santé, le centre hospitalier de Laval doit bénéficier de 39 millions.

Face à la désertification médicale, des voix plaident également pour mieux réguler l'installation des médecins. « On n'a pas la mer, la montagne ou le soleil », ironise Maxime Lebigot.

« La situation est assez catastrophique et va en s'aggravant, on subit toujours l'aberration du numerus clausus et la désertification touche aussi l'hôpital », souligne Pascal Grandet, président de l'association Audace 53, à l'origine d'un appel à manifester le 4 décembre à Paris pour défendre l'hôpital public.

Avec AFP

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