Appel au boycott de «MonPsy» : «Nous refusons l’ubérisation de notre pratique»

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Depuis le lancement du dispositif de remboursement des psychologues, que What’s up Doc vous présentait dans un précédent article, les psychologues regroupés au sein de l’association M3P ont appelé à boycotter le dispositif. Pour quelles raisons ? Interview de Camille Mohoric Faedi, co-dirigeante de l’association.

Appel au boycott de «MonPsy» : «Nous refusons l’ubérisation de notre pratique»

What’s up Doc : Comment est née votre association et qui sont vos adhérents ?
Camille Mohoric Faedi
 : Notre association a été créée à l’automne dernier et émane directement du Manifeste des psychologues cliniciens et des psychologues psychothérapeutes. Ce mouvement collectif (#manifestepsy) est né suite au rapport de la Cour des comptes de février 2021 préconisant la généralisation du conventionnement des psychologues libéraux. Nous avons 7 500 adhérents : des psychologues libéraux, hospitaliers, du médico-social, de la fonction publique hospitalière, etc… réunis dans une pluralité d’approches. Nous valorisons tous types de pratiques psychothérapeutiques.

 

Quels sont vos principaux points de désaccord avec MonPsy ?
C. MF. :
Nous considérons qu’externaliser le soin psychique n’est pas la solution et qu’il faudrait d’abord redonner des moyens suffisants au service public ! Les délais d’attente sont intenables actuellement. Ensuite, ce dispositif contrevient à notre déontologie sur plusieurs points. Nous sommes opposés à l’adressage par le médecin traitant -qui est une prescription déguisée- puisque sans lui, il n’y aura pas de remboursement pour le patient. Ensuite, le patient ne serait plus libre d’aller vers le psychologue de son choix puisqu’ils sont très peu nombreux à vouloir adhérer au dispositif.
Nous sommes par ailleurs opposés aux critères d’inclusion dans le dispositif, qui sont « les troubles psychiques d’intensité légère à modérée ». Mais qui définit cela ? Un deuil rentre-t-il dans cette catégorie ? Il n’y a pas de petite souffrance ! Nous suivons en psychothérapie des personnes qui sont en burn-out, victimes de maltraitance, de violences, d’accidents, etc… Avec ces critères, nos patients actuels ne rentreraient pas dans le dispositif. Et limiter le nombre de séances à 8 par an n’est pas possible. Nous avons eu le soutien du Dr Baptiste Beaulieu -qui était au départ favorable au dispositif, sans en connaître les détails- mais estime aujourd’hui que patients, psychologues et médecins traitants méritent mieux que cette nouvelle usine à gaz.

 

Et au niveau du tarif conventionné proposé ?
C. MF.
 : Clairement, les psychologues ne peuvent pas s’y retrouver. Avec ce tarif de 30 euros, les professionnels libéraux -qui ont entre 40 et 60% de charges/mois -mettraient la clé sous la porte. Ou alors cela les pousserait à une ubérisation de leur pratique, avec des séances expédiées en 20-30 minutes, à la chaîne. En l’état, ce dispositif risquerait d’entraîner une standardisation des pratiques, que nous refusons. Par ailleurs, le maintien d’une activité mixte entre patients remboursés et patients hors dispositif, ne sera pas possible à long terme. Pourquoi les psychologues auraient-ils ce droit alors que les médecins et les paramédicaux ne l’ont pas ?

 

Que proposez-vous à la place ?
C. MF.
 : Nous sommes favorables à un dispositif ouvert plus largement aux patients confrontés à tous types de souffrance psychologique. Nous sommes pour le remboursement mais pas avec cette convention qui, pour nous, est morte-née. Il faut en reconstruire une autre, sur les bases suivantes : pas de prescription, pas de nombre limite de séances, pas de critères restrictifs et la possibilité de dépassements d’honoraires. La vraie bonne mesure aujourd’hui selon nous, c’est d’aider le service public à fonctionner avec les 50 millions d’euros de budget prévus pour MonPsy.

 

 

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