Anesthésie affective

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Ciné week-end: L'Hermine, de C. Vincent (sortie le 18 novembre 2015)

Anesthésie affective

Ne l'appelez pas monsieur le juge, mais Monsieur le Président! Car c'est ainsi que l'exige son titre et que le veut la coutume. Les mots forment les lois, et c'est ainsi qu'il entend la faire respecter. Voici en quelques lignes le portrait de Michel Racine, caractère de La Bruyère plongé dans une fable de La Fontaine qui, si elle évite la tragédie racinienne - malgré le clin d'oeil patronymique -, flirte avec le marivaudage en cour pénale et n'évite pas une certaine naïveté. Le film est tellement conventionnel, probablement pour mieux épouser la personnalité obsessionnelle de son personnage, qu'on a envie de mettre des majuscules à chaque mot! La Justice, l'Amour, l'Autre...

Aux côtés de l'acteur français le plus majuscule - un Fabrice Luchini comme toujours impeccable - on remarquera pourtant la "discrète" jurée jouée par Sidse Babett Knudsen, actrice venue du froid, désarmante de sobriété et d'élégance. Et l'on comprend instantanément pourquoi ce Racine-là a littéralement fondu pour cette anesthésiste quelques années auparavant. Dans un état de fragilité suite à une hospitalisation lourde, il a probablement découvert à son contact qu'être sérieux et compétent dans son travail, ainsi que mesuré dans ses émotions, n'empêche pas de les transmettre et de les vivre. Mais l'absence de suites donnée à cette rencontre le fera replonger dans sa routine et le confinement de ses affects. A moins que cette rencontre leur laisse à tous les deux une seconde chance...

On passera sur les stéréotypes judiciaires du film - une affaire d'infanticide à Saint-Omer, un panel de jurés représentatif de la société française... -  pour n'en retenir que l'ambition modeste - c'est par cet oxymore que se définit le mieux son travail - de Christian Vincent: inscrire cette histoire aux lignes pures et nettes dans une certaine tradition française. Et en ce sens, c'est exactement tout ce dont nous avions besoin en ce moment...

Source:

Guillaume de la Chapelle

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