Agnès Buzyn : on ne touche pas à l’AME ! Mais on checke vite fait

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Difficile d’interpréter l’intervention d’Agnès Buzyn sur l’aide médicale d’état (AME) à l’Assemblée Nationale le 7 octobre. Elle a rappelé son attachement, tout en annonçant des réflexions sur ses modalités.

Agnès Buzyn : on ne touche pas à l’AME ! Mais on checke vite fait

L’intervention du 7 octobre d’Agnès Buzyn à l’Assemblée nationale sur l’AME laisse un peu perplexe. Après avoir en listé les bienfaits moraux, elle a confirmé qu’une commission étudiait des ajustements possibles, y compris une restriction du panier de soins.
 
Tout avait pourtant bien commencé. La ministre de la Santé a rappelé son attachement (et celui du gouvernement ?) à l’AME. « Il en va de notre humanité, mais aussi du respect des conventions auxquelles nous sommes parties et dont l’accès aux fondamentaux est un pilier essentiel », a-t-elle notamment déclaré, rappelant que le droit à la santé pour tous est inscrit dans la Constitution, ainsi que l’accès « universel » aux soins en France.

AME : c’est quoi, et pour qui ?
 
« L'aide médicale de l'État (AME) est destinée à permettre l'accès aux soins des personnes en situation irrégulière au regard de la réglementation française sur le séjour en France », rappelle l’Assurance maladie sur son site Ameli.fr (hors Mayotte).
Il faut justifier d’une résidence d’au moins trois mois de résidence en France métropolitaine ou dans les départements d’outre-mer (hors Mayotte, toujours). Pour les mineurs, aucune condition n’est exigée. Les ressources ne doivent pas dépasser 8951 euros en métropole, et 9962 euros dans les départements d’outre-mer.
L’AME donne accès à un remboursement de 100 % des frais liés aux soins médicaux hospitaliers dans la limite des tarifs de la sécu, sans avance de frais. Les médicaments à service médical rendu faible sont exclus de la prise en charge, comme les cures thermales.

Ceci est vrai pour les personnes migrantes en situation irrégulière, destinataires de l’AME. Ces décisions reposent sur une vision humanitaire, de santé publique… et même économique : les retards de prise en charge coûtent cher en soins pour des pathologies plus avancées. La ministre a tenu à faire taire les fake news sur les détails de prise en charge des bénéficiaires de l’AME, que certains aiment à faire passer pour des nantis de l’Assurance maladie.

En même temps

MAIS, apparemment, ce n’est pas parce qu’on ne va pas manger qu’on ne peut pas regarder le menu. « Pour autant, il est normal de s’interroger sur l’efficience de ce système et sur l’identification d’éventuels abus », a ajouté la ministre, souhaitant restaurer la « confiance qui fait aujourd’hui débat ». Avec 848 millions d’euros et une hausse des dépenses en 2018, due en grande partie à l’augmentation du nombre de bénéficiaires mais aussi à une hausse des dépenses par bénéficiaire, certains en profitent en effet pour crier au scandale dans un esprit de grand remplacement. Rappelons tout de même que ce montant correspond, à la louche, à 0,5 % des dépenses de santé. Le « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde » ne tient pas vraiment.

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Cette belle introduction semblait nécessaire pour parler de la mission confiée aux inspections générales sur l’AME. Elle se penche sur les fraudes et les abus. OK, pourquoi pas. Mais elle étudie aussi les « dispositifs en vigueur dans les autres pays européens » et a pour objectif de proposer des « pistes de progression ». Agnès Buzyn l’assure, les propositions qui pourraient en découler seraient étudiées dans un souci de pertinence et d’efficacité. Elle déclare en plus, sous les applaudissements de l’Assemblée, qu’elle refusera toute idée incluant une participation financière des bénéficiaires – le droit de timbre mis en place en 2011 avait montré son inefficacité et finalement été supprimé.

Entre santé publique et politique

Deux pistes sont notamment étudiées : la mise sous accord préalable en dehors des soins urgents ou vitaux, ainsi qu’un ajustement du « périmètre du panier de soins pris en charge par l’AME ». Là, malgré les belles déclarations d’intentions, la pente est glissante. Soignons donc les migrants en situation irrégulière comme n’importe qui, mais un peu moins quand même. Peut-être.
 
Agnès Buzyn assure que le gouvernement ne sera pas « fort avec les faibles ». « Ouvrir un débat sur l’immigration, ça n’est pas remettre en question nos principes. Ça n’est pas transiger sur nos valeurs », avait-elle annoncé en introduction de son intervention. On ne transige pas, mais on étudie la question et on le fait savoir. Madame Buzyn, welcome to real life politics.
 

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