Vous prendrez bien un peu de poésie pour vos hémorroides ?"

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René Bretonnayau était poète et médecin, mais sans doute pas très sérieux aux de ses contemporains. La poésie scientifique dans la deuxième moitié du XVIe siècle commence à se garder de l’humour et de l’impudeur. Bretonnayau n’en a que faire un exemple avec ce pastiche de Ronsard.

Vous prendrez bien un peu de poésie pour vos hémorroides ?"

René Bretonnayau était poète et médecin, mais sans doute pas très sérieux aux de ses contemporains. La poésie scientifique dans la deuxième moitié du XVIe siècle commence à se garder de l’humour et de l’impudeur. Bretonnayau n’en a que faire un exemple avec ce pastiche de Ronsard.

L’auteur de La Génération de l’homme et le Temple de l’âme : avec autres œuvres poëtiques extraittes de l’Esculape (1583)* n’hésite pas à faire se rencontrer la poésie de La Pléiade et les sujets les plus scatologiques. Ainsi, sous sa plume, le sonnet de Ronsard sur la mort de Marie (« Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose…») devient une description certes imagée elle aussi, mais pour autant moins délicate :

« Comme l’on voit rougir sur son arbre la meure,

Qui sage à faire fleur la derniere demeure :

Comme l’on voit les grains sur la grappe grossir,

Ainsi au fondement voit-on souvent noircir

De gros bouttons de sang, que la nature humaine

Tasche d’espanouir, deschargeant la grand veine,

Le foye, et mesentere, et la rate, et les reins,

Quand le sang est mauvais ou qu’ils en sont trop pleins.

Par les conduicts expres qui droictement descendent,

Où les gros excremens d’ordinaire se rendent.

Garde de retenir ce sang noir et infect,

Retenu, un degas de tout le corps il faict. »

 

Le poète ne se contente pas de ce pastiche, puisqu'il propose, en vers toujours, une série de décoctions de fleurs médicinales censées soigner les « cuisans bouttons ». Les remèdes ne sont pas garantis, mais l’humour carabin oui, quand bien même le mot « carabin », au sens actuel, n’entrera dans la langue que quelque 200 ans plus tard, mais c’est une autre histoire.

Dominique Brancher, Équivoques de la pudeur, Genève, Droz, 2015. Élise Rajchenbach, « Esculape blasonneur : René Bretonnayau, de ‘La Fabrique de l’œil’ aux ‘Hemorrhoides’ », à paraître dans les actes du colloque Anatomie(s) d’une anatomie : nouvelles recherches sur les blasons anatomiques du corps féminin (2016).

*Le livre de Bretonnayau est numérisé et en ligne sur Medic@

 

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