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En France en 2023, 376 000 femmes déclarent avoir été victimes de violences au sein du couple mais seule une sur cinq dépose plainte.
Conviés de mercredi à vendredi au congrès Pari(s) santé femmes au Cnit-La Défense à Paris, les soignants dits de « premier recours » - généralistes, gynécologues, pédiatres, urgentistes, sages-femmes, pharmaciens... - sont souvent les premiers auxquels elles se confient, avant même la police et les associations.
Pour « faciliter la parole en normalisant le sujet », la patiente doit être systématiquement interrogée en consultation, a édicté la Haute Autorité de Santé (HAS) en 2022 : subit-elle, ou a-t-elle subi, des violences physiques, verbales, psychiques, sexuelles ? Une recommandation « trop peu mise en oeuvre » chez les médecins, déplorait-elle un an plus tard.
Dans la formation universitaire
Il y a une dizaine d'années, les médecins n'étaient « absolument pas formés », souligne Pauline Malhanche, généraliste dans le Puy-de-Dôme, qui a élaboré pour sa thèse en 2014, des outils et un site « d'aide au repérage » des victimes, « Déclic violence ».
Aujourd'hui, l'externat de médecine qui va de la 4e à la 6e année de formation, inclut « deux chapitres sur 365 » sur les violences sexistes, sexuelles et intrafamiliales : « c'est peu, mais ça existe », observe Saga Bourgeois, porte-parole du syndicat des internes en médecine générale.
S'y ajoutent « le guide élaboré par la HAS, complété par Santé publique France cet été », que les étudiants sont « censés connaître, ce qui n'est pas toujours fait », dit-il.
« C'est enseigné dans toutes les facultés : soit sous forme de cours magistraux, soit de TD (travaux dirigés), de mises en situation... c'est obligatoire », souligne Pr Isabelle Laffont, présidente de la Conférence des doyens de médecine. Des enseignements complémentaires sont dispensés en « médecine générale, gynéco-obstétrique, médecine d'urgence et médecine légale ».
Signes qui ne trompent pas
Diplômée en 2009, l'infirmière Manon Leblanc, qui dit n'avoir « pas du tout été formée » à l'école, pose désormais « toujours la question » à la PMI de Pantin (Seine-St-Denis), où elle travaille.
« Pendant un bilan de santé en maternelle, j'ai demandé à une maman si ça allait à la maison, elle a confié ses difficultés avec son conjoint... et compris qu'elle pouvait revenir vers nous ». « Je la recontacterai pour prendre des nouvelles », dit-elle.
Sa collègue France-Lise Antoinette, puéricultrice, guette « le regard qui fuit, l'obligation de passer par le téléphone de monsieur... », confie-t-elle à l'AFP, tandis que Maïmouna Traoré, sage-femme, souligne l'importance de travailler « en réseau ». « Hier j'ai orienté une femme enceinte au parcours migratoire traumatique, mariée de force, vers une consoeur de l'hôpital qui sera à l'écoute et prendra son temps lors des consultations », rapporte-t-elle.
Toutes trois ont appris, grâce à une séance organisée par la Communauté professionnelle territoriale de santé de Pantin, l'existence d'une carte interactive, créée par la géographe Réju Rob, recensant toutes les structures locales (hôpital, PMI, commissariat, Maison des femmes, associations etc.) vers lesquelles orienter les femmes.
Parmi elles, l'Unité médico-judiciaire de l'hôpital Jean-Verdier à Bondy les accueille 7 jours/7, 24h/24, qu'elles déposent plainte ou non.
Alors qu'« on sait que la maternité, la grossesse, la naissance, le postpartum sont des catalyseurs de violences intrafamiliales », les sages-femmes « sont en première ligne », souligne Isabelle Derrendinger, qui présidente de leur Ordre.
Car si une femme victime de violences, très souvent isolée « du fait de la stratégie de l'agresseur, renonce à de nombreux soins pour de multiples raisons », elle se soustrait rarement à son suivi obstétrical, explique la sage-femme.
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Elle forme des soignants en activité, mais ces derniers viennent « sur la base du volontariat ». « Il devrait y avoir une formation obligatoire pour tous les professionnels », dit-elle. « Je l'appelle de mes vœux ».
Avec AFP