Bienvenue au Samu psy de Paris, nouvelle pierre angulaire de l'organisation des soins psychiatriques

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Crises d'angoisse, délires de persécution, symptômes dépressifs ou tentatives de suicide... Le Samu psy de Paris gère les appels au 15 pour détresse psychologique et intervient sur le terrain : un quotidien intense, souvent éprouvant, mais une mission essentielle.

Bienvenue au Samu psy de Paris, nouvelle pierre angulaire de l'organisation des soins psychiatriques

© Midjourney x What's up Doc

 

Rires et plaisanteries fusent dans la salle de régulation du Samu de Paris, installé dans l'hôpital Necker Enfants malades de l'AP-HP: casque sur la tête devant leur écran, les soignants, qui prennent quelque 2 000 appels par jour, profitent d'un instant de détente un après-midi d'août.

Parmi eux, deux psychiatres et neuf infirmiers spécialisés en psychiatrie se relaient depuis 2022 pour traiter, de 8 heures à minuit, une quinzaine d'appels quotidiens et intervenir en binômes sur le terrain.

« Quelqu'un qui se sent déprimé, a des idées suicidaires, le médecin régulateur va nous le passer », explique à l'AFP le Dr Julien Katz, coordonnateur du dispositif : « plus chronophages, ces appels-là prennent en moyenne 25 minutes, une durée que les urgentistes ne pouvaient pas se permettre ».

« Nous parlons le plus longtemps possible pour évaluer la situation, gérer une attaque de panique, une crise d'angoisse avec un exercice de relaxation mais aussi, si besoin, trouver la prise en charge la plus adaptée, en fonction des disponibilités » des établissements, précise-t-il.a

En cas de « crise suicidaire majeure », si une personne enjambe un balcon avec le risque qu'elle se jette dans le vide ou présente une menace, « on pourra envoyer des secours : pompiers, ambulance, prévenir la police si nécessaire » ou « nous déplacer et faire transporter le patient vers une structure de soins », complète Julien Katz. Le numéro national de prévention du suicide (3114) est aussi joignable, 24h sur 24.

Rassurer pompiers, police et patients 

L'équipe connaît aussi parfaitement l'organisation des soins psychiatriques de la capitale - centres médico-psychologiques, centres d'accueil de crise, urgences hospitalières... - et peut orienter le patient.

Ce type de dispositif, qui existe à Rennes et Saint-Etienne, plus récemment en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne, permet d'« éviter des passages inutiles aux urgences », a salué le ministre délégué de la Santé Yannick Neuder, lors d'une visite au Samu psy parisien en juillet.

La psychiatre Dr Marine Akkaoui relate une récente intervention : une « patiente de 44 ans, souffrant de schizophrénie (...), grattait aux portes des voisins, balançait des objets par la fenêtre, mettait des bougies dans l'immeuble : nous l'avons accompagnée aux urgences avec l'aide des pompiers et de la police. »

La quadragénaire avait arrêté son traitement : c'est « la première cause de décompensation des maladies psychiatriques » prises en charge, explique la psychiatre.

La présence du Samu psy rassure pompiers et police, voisinage, familles mais aussi patients : après une longue discussion derrière sa porte entrouverte, une femme de 67 ans en plein délire de persécution a accepté son hospitalisation, relate Marine Akkaoui.

« Sa tutrice, démunie, nous avait appelés », complète l'infirmier Etienne Jego. « Elle avait recouvert son appartement de papier aluminium pour se "protéger des ondes", coupé l'électricité, l'eau et le gaz, faisait ses besoins dans un seau ».

Manque de lits en pédopsy

Idées suicidaires, symptômes dépressifs, scarifications, phobie scolaire, harcèlement : au Samu psy, 6,4% des appels concernent des mineurs de moins de 16 ans, une proportion doublée entre 2022 et 2023.

« Il faut parfois les mettre à l'abri d'un contexte familial toxique », rapporte l'infirmière Marielle Douay, se remémorant une jeune fille battue par son frère. « Je lui ai dit "Tu ne peux pas rester comme ça". Sa mère était absente, je l'ai accompagnée par téléphone jusqu'aux urgences pour qu'elle soit protégée ».

Problème : les lits de pédopsychiatrie manquent cruellement et toute demande d'hospitalisation se solde par « plusieurs semaines » d'attente, sauf « coup de bol monumental », dit le Dr Katz, jugeant crucial de généraliser les dispositifs comme l'Accueil Temporaire Rapide Ados Parisiens (ATRAP). « Faute de prise en charge rapide, les symptômes s'aggravent », résume-t-il.

Il y a peu, Marielle Douay a aidé une maman paniquée : « harcelée dans la rue par un vieux monsieur », sa fille de 12 ans s'était urinée dessus de terreur, une situation « éprouvante » pour l'infirmière.

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« Parfois, le silence se fait » sur la plateforme, quand un collègue régulateur dit : « "Arrêt cardiaque, c'est un enfant" », confie-t-elle, observant que les relations « très chaleureuses » entre collègues ne protègent pas entièrement des « mots ultra-violents qu'on entend ».

Avec AFP

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