Et si une réponse ponctuelle aux déserts médicaux se trouvait dès l’obtention du titre de médecin ? C’est en tout cas ce que propose la députée de Mayenne Géraldine Bannier dans une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 17 septembre.
« Sans vouloir remettre en cause la liberté de choisir leur lieu d’installation tout au long de leur carrière, ni le choix des professionnels de travailler en libéral ou en tant que salarié (…) une réponse doit toutefois être apportée à un problème qui perdure nonobstant l’augmentation du nombre de professionnels de santé », écrit la députée en introduction de sa proposition.
Elle suggère ainsi d’instaurer « une année obligatoire d’exercice en zones sous-dotées » pour tous les nouveaux diplômés, tant en médecine générale que dans les autres spécialités.
Le but, contrer l’effet de proximité qui pousse les jeunes diplômés de médecine à s’installer « là où ils ont été formés, près de leur école ou de leurs lieux de stage et dans des localités qu’ils connaissent ».
« Déplacer le problème »
Les articles 3 et 4 de la proposition précisent que les internes seront informés, l’année précédant l’obtention du diplôme, des postes à pouvoir dans chaque département et pour chaque spécialité, conformément aux besoins des ARS.
Cette réponse ponctuelle à la désertification médicale est « mauvaise » et « simpliste » et ne prend pas en compte la multiplicité des facteurs à son origine, selon Bastien Bailleul, président du syndicat d’internes de médecine générale, l’ISNAR-IMG, opposé à toute régulation forcée de l’installation des médecins.
« En France, nous sommes confrontés à une pénurie globale de médecins, et non à une simple mauvaise répartition géographique. Obliger les jeunes médecins à exercer dans des déserts médicaux pour une période limitée ne ferait que déplacer le problème, sans s'attaquer à ses causes profondes », détaille Bastien Bailleul.
Pour encourager les jeunes médecins à rejoindre une zone sous-dotée, il propose plutôt de développer des antennes universitaires partout en France afin de « recruter et former davantage d’étudiants venant de ces territoires », et de « décentraliser la formation médicale en dehors des CHU ». « Cela donnerait la possibilité aux étudiants de s'ancrer durablement dans les territoires et d'y exercer à plus long terme », détaille-t-il.
De plus, pour lui, après dix ans d’études « au service de l’hôpital public », un néo-diplômé est légitime de choisir son lieu d’installation.
Pas de suivi à long terme
En conséquence du caractère « obligatoire » de cette année, renouvelable jusqu’à deux fois sur demande du médecin, l’article 2 de la proposition supprime les aides jusqu’ici accordées aux seuls jeunes diplômés volontaires. Cependant, les loyers seront « entièrement pris en charge » pour la durée de l’exercice.
Sur ce point, Bastien Bailleul, citant le rapport de la DREES de 2021 sur la question, souligne que la prise en charge des frais constituent « un déterminant à l'installation que pour moins de 20% des médecins ».
Par ailleurs, la proposition de loi de Géraldine Bannier soulève un autre problème, selon le président de l’ISNAR-IMG : celui du suivi des patients, essentiel en médecine générale.
« Penser qu'un médecin pourrait exercer son métier dans ces conditions [forcées, ndlr], sans désir de s'investir à long terme dans un territoire, est une vision très réductrice » du métier, juge-t-il. Un argument que la députée concède en préambule de sa proposition.
Le 17 septembre, Géraldine Bannier a également déposé une autre proposition de loi très similaire, visant à mettre en place un service médical d’un an en zone sous-dotée, mais cette fois-ci sur la base du volontariat. Une proposition qui risque d’être un peu mieux accueillie par les concernés.
En juillet, le député PS Guillaume Garot, qui milite pour la régulation à l'installation, a annoncé la reprise du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux, suspendu par la dissolution. Il espère ainsi apporter des « réponses fortes et inédites » à cette problématique, en s'attaquant notamment à la liberté d'installation.