Témoignages de patients experts, ces malades formés pour être le chainon manquant entre médecins et patients

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Parce qu'ils ont acquis de solides connaissances sur leur maladie et qu'ils ont appris à vivre avec, des patients choisissent de mettre au service d'autres malades leur expérience, qui profite aussi aux professionnels de santé.

Témoignages de patients experts, ces malades formés pour être le chainon manquant entre médecins et patients

© IStock 

 

Il y a sept ans, Florian Deygas, 34 ans, découvrait qu'il était atteint d'une sclérose en plaques, une maladie inflammatoire du cerveau et de la moelle épinière.

Ce conducteur de bus, licencié pour "inaptitude", se sent alors victime d'une profonde injustice.

"J'ai été sur internet, j'ai tapé « sclérose en plaque : au secours » et j'ai finalement pu parler à une « patiente experte », qui m'a conseillé, orienté; de fil en aiguille, je me suis dis que je devais moi aussi transformer mon expérience en engagement", raconte-t-il.

Un patient expert est un malade qui, avec le temps, a appris à très bien connaître sa maladie et décide de s'impliquer auprès de personnes souffrant de la même pathologie.

"Si un patient a envie de parler de sujets très intimes, il se sentira souvent plus en confiance avec un autre malade, considéré comme un « pair », qu'avec un soignant", explique Florian Deygas.

L'engagement peut prendre la forme d'un investissement dans une association mais aussi de lobbying auprès de parlementaires ou dans différentes instances de décision.

Florian Deygas a, lui, été nommé vice-président chargé de la commission santé du Conseil national consultatif des personnes handicapées. "Je peux donner mon avis sur des projets de décret, c'est un rôle important", illustre-t-il.

Il intervient également dans les écoles de médecine ou d'infirmier pour sensibiliser les soignants au ressenti des malades.

Le rôle de "patient expert" a pris de l'ampleur en France ces dernières années, et été consacré dans la loi HPST (Hôpital, patients, santé, territoires) de 2009.

Mais c'est la création d'une université des patients en 2010, à Sorbonne Université, qui a fait décoller le concept. Créée par l'enseignante-chercheuse Catherine Tourette-Turgis, la formation propose des parcours diplômants pour les personnes atteintes d'une maladie qui veulent mettre leur expérience au service de la collectivité.

"On échange pour faire en sorte que cette épreuve soit un peu plus douce"

"L'histoire des patients experts remonte aux années 30 avec les Alcooliques anonymes", raconte à l'AFP Catherine Tourette-Turgis. "Dans les années 80, les malades du sida ont aussi été extrêmement actifs, en parlant au grand public de leur maladie, en prenant des photos de leurs symptômes, en orientant les politiques de prévention"... "En général, quand une maladie ne trouve pas de réponse thérapeutique, ce sont les malades qui organisent leur propre survie", ajoute-t-elle.

L'idée de créer une formation lui est venue naturellement : "on pouvait former des soignants, pourquoi pas des malades ?"

A ce jour l'université a diplômé plus de 200 patients et a fait des émules à Marseille, Grenoble, et même au Maroc.

Avec à la clé divers débouchés pour les malades : conseil dans les métiers du soin, engagement associatif, construction de plaidoyers, formation de personnels de santé...

Sabine Dutheil, 56 ans, a obtenu son diplôme en 2018. Victime d'un cancer du sein à 48 ans, cette ancienne orthophoniste a intégré la clinique Tivoli-Ducos à Bordeaux, où elle travaille aujourd'hui à mi-temps au sein d'une équipe d'oncologie.

Celle qui aime se définir comme une "patiente partenaire" accompagne l'équipe de professionnels ainsi que les patientes recevant un traitement de chimiothérapie. "On échange pour faire en sorte que cette épreuve soit un peu plus douce", explique-t-elle.

"Mon oncologue connait très bien le cancer, mais contrairement à moi, elle ne sait pas ce qu'est la vie avec un cancer et les traitements; l'idée est de pouvoir conjuguer les angles de vue", ajoute-t-elle.

Pour les établissements de santé, cette complémentarité est un atout de taille. A Caen, le centre de lutte contre le cancer François Baclesse a embauché en septembre une patiente, toujours en traitement, également diplômée de l'université des patients.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/medecin-hematologue-jai-decide-de-devenir-aussi-medecin-expert-visiteur-la-has-pour

Elle a déjà été sollicitée pour divers projets : relecture d'un protocole de recherche, rencontre avec des patients, accueil de nouveaux internes..., explique la directrice générale adjointe, Laurence Picard. "Grâce à elle, on a franchi un pas dans l'amélioration de la qualité des soins", se réjouit-elle.

Avec AFP

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