Souffrance au travail : les infirmières trinquent aussi

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Les infirmiers aussi se dotent d’un observatoire de la souffrance au travail, conçu sur le même modèle que celui des médecins, l'OSAT APH.

Souffrance au travail : les infirmières trinquent aussi

30 agressions par jour, des violences sous déclarées, 20 % d’étudiants qui abandonnent leur formation et 30 % qui quittent la fonction au bout de cinq ans de pratique, la coupe est pleine. Lancé ce lundi, l'observatoire de la souffrance au travail (OSAT) des infirmiers est l’œuvre de quatre syndicats. Le syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI-CFE-CGC) y est en effet associé avec Convergence infirmière (libéraux), le syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs de santé de l’Éducation nationale (SNIES-UNSA) et le syndicat national des infirmiers et conseillers de santé de l’éducation nationale (SNICS-FSU).

Le site propose un questionnaire confidentiel à remplir, ouvert à tous les professionnels infirmiers qu’ils exercent en hôpital ou clinique, en libéral, dans l’enseignement ou ailleurs. Il vise à la fois à produire des données statistiques permettant d’évaluer la situation globale et à apporter une réponse syndicale aux signalements qui seront adressés. Ceux-ci pourront être déposés par les personnes concernées ou par des témoins. Et les situations seront traitées par des écoutants spécifiquement formés. « Ils n’apporteront pas de soutien psychologique, pour cela ils orienteront vers les plateformes pré-existantes. Ils offriront une écoute et un accompagnement syndical, précise Thierry Amouroux, secrétaire général du SNPI. Des difficultés syndicales locales pourront être contournées et si besoin nous pourrons alerter l’ARS, la direction, lorsqu’un dysfonctionnement organisationnel sera mis en évidence... »

De la souffrance à la ville…

Mais si les conditions de travail des hospitaliers sont régulièrement médiatisées, celles d’autres soignants exerçant de manière plus isolée sont moins connues. « Les causes de souffrance chez les libéraux sont multiples, a résumé Jérôme Malfaisan, membre du SNPI et en exercice mixte. Nous sommes des chefs de petites entreprises, alors que nous n’avons pas été formés pour cela. Nous travaillons 70 heures par semaine. Avec la pression de l’Urssaf, des CPAM, des tutelles et les attentes grandissantes des patients. » Et le travail en équipe n’est pas toujours la solution : « Nous travaillons tous déjà plus ou moins de manière coordonnée, et il y a évidemment des manières d’améliorer la collaboration, a souligné Jérôme Malfaisan. Par exemple, si l’on sait que l’on peut avoir un médecin qui répond à nos questions le vendredi à 18 h ou le week-end, oui c’est un rempart contre une certaines souffrance. Cependant, ce n’est pas en forçant les choses et en accélérant des rapprochements que cela peut nous aider. Faire les choses dans l’urgence, cela peut aussi amener les soignants à craquer. »

…Comme à l’école

Du côté des infirmières scolaires, soumises à l’autorité du chef d’établissement, c’est l’augmentation des tâches dévolues qui pèse : « Depuis 4/5 ans, il y a une réelle évolution de la formation des proviseurs qui est devenue délétère pour nous, explique Chantal Chantoiseau du SNICS. On renvoie vers nous non seulement de tout ce qui relève de la santé, mais aussi de tâches administratives, de missions d’assistance sociale, et de nombreuses tâches qui ne sont pas inscrites dans notre rôle. » Ainsi de l’accompagnement du récent service sanitaire. « Nous subissons aussi désormais des pressions très fortes sur le respect du secret professionnel. Dans le secteur sanitaire le secret est partagé à titre dérogatoire entre les soignants d’un même patient, mais à l’école nous n’avons pas à le partager avec l’équipe éducative. »

Même dans la pratique du soin, de très vives frustrations peuvent se développer, notamment en matière d’orientation du patient. « Quand, en tant qu’infirmier libéral, on ne peut pas directement envoyer un patient âgé faire un bilan à l’hôpital, qu’il doit passer par les urgences, alors qu’on sait qu’il passera des heures sur un brancard – j’ai travaillé en Ehpad, je vois ce que c’est, précise Jérôme Malfaisan – cela génère une vraie souffrance au travail. » Même sensation du côté des infirmières scolaires qui ne peuvent adresser directement un mineur chez un ophtalmo ou un psychologue (en dehors du psychologue scolaire). « Il faut passer par le médecin traitant des parents, quand il y en a un, et nous pouvons voir des situations se délabrer pendant des mois, » a précisé Patricia Adam du SNIES.

Cet observatoire est conçu par les mêmes webmasters qui ont mis en œuvre l’OSAT médical. En début d’année, celui-ci avait fait état de 64 signalements reçus sur ses douze premiers mois d’existence. À comparer aux prochains résultats de l’observatoire infirmier, qui devraient être publiés d’ici un an.

 

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