Si Véran m’était conté...

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Avec la démission de Jean Castex et la nomination d’Elisabeth Borne au poste de première ministre, sonne l’heure des bilans pour les ministres.  

Si Véran m’était conté...

En arrivant avenue de Ségur le 16 février 2020, sous le Premier ministre Edouard Philippe, en remplacement d’une Agnès Buzyn partit tenter de sauver la campagne parisienne en déroute de Benjamin Grivaux, Olivier Véran n’imaginait sans doute pas marquer à ce point les Français. Olivier Véran restera ainsi comme l’un des « grands » ministres de la santé au même titre que Bernard Kouchner, Philippe Douste Blazy ou Simone Veil.

Olivier Véran, comme certains maréchaux d’empire, est un homme qui aura été façonné par les circonstances. Brillant médecin, député à 37 ans, Olivier Véran avait certes derrière lui un parcours éloquent. Mais la pandémie, que nulle n’imaginait d’une telle intensité et porteuse de tant de répercussions sociales et économiques aura transfiguré le locataire de l’avenue de Ségur.

L’homme de la pandémie

Quand Olivier Véran est nommé ministre de la santé, la pandémie est déjà majeure en Chine mais est encore un sujet exotique voire de plaisanterie en France. Les observateurs occidentaux s’accordent alors pour railler l’attitude dictatoriale des autorités sanitaires chinoises.  

A sa passation de pouvoirs, Olivier Véran se voulait confiant et promettait : « la France est prête (…) parce que nous avons un système de santé extrêmement solide (…) On dit souvent que l’hôpital est une grande administration très lourde à piloter : vous seriez étonnés de voir à quelle vitesse il peut s’adapter ». Il faut dire qu’alors, la France n’avait identifié qu’une dizaine de cas de Covid !

Le dossier qui paraissait alors le plus chaud était celui des retraites. Le gouvernement s’était en effet engagé dans une réforme ambitieuse, aujourd’hui enterrée.

Durant deux ans, c’est donc sur le front de la pandémie que le ministre a dû principalement batailler.

Aux pires heures, prenant la parole presque tous les soirs à la télévision, la mine grave et les traits tirés, il aura été le symbole de la riposte française à cette flambée historique comme un partisan d’une ligne dure progressivement contredite par sa hiérarchie.

Que l’on se souvienne, par exemple, qu’il défendait fin janvier 2021, un nouveau confinement qui n’interviendra finalement qu’en avril. Le Président de la République était devenu circonspect et faisait part de ses doutes quant à la réalité de la dangerosité du variant anglais qui devait justifier une réponse ferme et stricte estimait Olivier Véran.

A contrario, en août de la même année, le ministre, s’appropriant les changements de pieds présidentiels, annonçait qu' « il n’y aura pas d’impact de la troisième dose sur le passe sanitaire »… Cette promesse fût finalement démentie par Emmanuel Macron, et il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres de cas où le ministre Véran a dû avaler son chapeau.

Dans cette crise Olivier Véran a aussi été l’un des artisans de l’obligation vaccinale des soignants, du pass sanitaire puis vaccinal. Une série de décisions qui lui vaudront une haine tenace de certains soignants et d’une partie de la population.

Lot de couacs

S’il n’était en rien responsable des pénuries de masques et de tests du début de la pandémie, Olivier Véran aura, lui aussi, connu son lot de couacs dans la gestion de la crise sanitaire.

Il a ainsi largement défendu à l’été 2020, la stratégie gouvernementale « assumée » de tests « à grande échelle », « gratuits et sans ordonnance ». La décision de l’exécutif mi-juillet avait fait exploser le nombre de tests PCR réalisés en France sans préparation logistique. L’image des longues files d’attente devant les laboratoires restera ainsi l’une des plus pitoyables de la crise…

Beaucoup l’ont également vertement critiqué sur les débuts de la campagne vaccinale marquée par la confusion et l’impréparation.  Ainsi, alors que dès l’automne 2020 un grand nombre de pays se mettaient en ordre de marche, la France tâtonnait. Face à la multiplication de ces signaux chaotiques, la communication du gouvernement tournait parfois au ridicule.

L’homme du Ségur…et de la rupture avec les libéraux

En marge de la pandémie, Olivier Véran aura durablement transformé la vie des soignants avec le Ségur de la santé. Que l’on juge les sommes allouées suffisantes ou non, force est de constater qu’il s’agit de l’effort le plus important fait par un gouvernement en direction de l’hôpital pour répondre à la crise hospitalière entretenue et confirmée par la pandémie.

Le Ségur de la santé a ainsi pris la forme d’un plan de 8,1 milliards d’euros, se traduisant par des hausses de salaires inédites.

Mais la différence de traitement entre hospitaliers et libéraux, eux aussi fortement mobilisés sur le front de l’épidémie, aura provoqué une rupture entre ces derniers et le gouvernement.

Qu’on se rappelle, en particulier, des propos du Dr Jean-Paul Ortiz, alors président de la CSMF qui parlait d’un « divorce consommé ». « Il existe un choix politique clair d’orienter le système de santé vers l’hôpital et d’abandonner la médecine de ville. Ce choix politique est mortifère pour la santé des Français » dénonçait-il. Un divorce qui n’a toujours pas été suivi de rabibochage alors que la médecine de ville réclame toujours à cor et à cri un Ségur des libéraux.

Accouchement de la PMA pour toute

Olivier Véran a connu aussi son grand chantier sociétal : il aura été celui qui a mené à bien l’instauration de la PMA pour toutes, dans une ambiance relativement consensuelle. En revanche, au moment de l’adoption définitive du texte révisant les lois de bioéthique, il promettait la naissance du premier enfant par « PMA » d’un couple de femmes avant la fin du quinquennat… Cette prédiction aura finalement été démentie.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ses deux ans, peut-être les plus riches et les plus durs qu’ait connus un ministre de la Santé. L’âpreté de la tempête dans laquelle a eu à naviguer Olivier Véran constitue sans aucun doute une circonstance atténuante pour certaines de ses décisions et déclarations à l’emporte-pièce souvent contredites dans les jours qui suivent.

Frédéric Haroche

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