Radiologie, biologie médicale… L’Assurance maladie déclare la guerre aux grands profits

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Baisses tarifaires, régulation, obligation de transparence totale… L’Assurance maladie propose un arsenal de mesures pour lutter contre « les situations de rentes » dans certains secteurs de ville, dans un rapport dévoilé mardi qui se veut « plus offensif »

 

Radiologie, biologie médicale… L’Assurance maladie déclare la guerre aux grands profits

© Midjourney x What's up Doc

 

Dans ce rapport visant à guider l’élaboration du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), l’Assurance maladie identifie plusieurs secteurs de soins en ville marqués par des « situations de rentes économiques ».

Celle-ci désignent des situations où il existe « un écart anormalement élevé entre la tarification d’une activité de soins et le coût moyen de réalisation de cette activité »

L’organisme pointe particulièrement la radiologie, la biologie médicale, la radiothérapie ou encore la médecine nucléaire, des secteurs où la détention des structures par des capitaux financiers a connu un essor important ces dernières années. 

Dans ces secteurs, des situations de forts profits sont rendues possible par l’ouverture du capital à des investisseurs financiers, mais aussi par la faible exposition à la concurrence géographique, ou encore la hausse des dépassements d’honoraires dans certains actes, notamment de dépistage, note l'Assurance maladie.

Par exemple, avec une rentabilité nette estimée à plus de 20% du chiffre d’affaires, la biologie médicale est qualifiée de « très rentable », ce que l'organisme juge « anormal » au regard de la protection publique du secteur et de l’absence quasi-totale de concurrence. 

Même constat en radiothérapie, où la rentabilité nette oscille entre 22 et 28% dans les grands groupes organisés en sociétés d’exercice libérale (SEL).

Baisses tarifaires immédiates

« Dans un contexte de déficit important et structurel de la branche maladie, de tels niveaux de rentabilité nécessitent de renforcer les actions de régulation économique, dans une double logique » d’équité entre les acteurs et de maîtrise de la dépense, juge l’Assurance maladie. 

Pour lutter contre ces situations, elle propose pour 2026 un ensemble de mesures, combinant des baisses tarifaires dans les secteurs à très hauts niveaux de rentabilité, à une obligation de transparence totale sur la composition de l’offre de soins. 

Elle souhaite également clarifier les règles de gouvernance de certaines structures, notamment les SEL, pour garantir l’indépendance médicale. 

Car « des pratiques d’optimisation financière posent la question du maintien d’une offre de soins pertinente et de qualité à des tarifs soutenables pour la collectivité », souligne le rapport.

Être rentable, c’est mal ? 

Pour certains professionnels de santé, au contraire, un taux de rentabilité de 15 à 20% est « normal » et « sain » pour une entreprise de soin. Au contraire, la peur d’une rentabilité insuffisante peut agir comme un frein à l’installation des médecins, juge par exemple le Dr Grégoire Pigné, oncologue radiothérapeute, dans un post LinkedIn. 

« Détruire la rentabilité des entreprises du soin, c’est détruire la capacité d’investissement, c’est empêcher l’adaptation aux besoins des patients et l’intégration des innovations », continue-t-il. 

Mais d’autres coupent net cet argument : « Dans un modèle économique fondé sur la solidarité nationale, [de tels taux de rentabilité] dans le domaine de la santé apparaissent particulièrement contestables », note un cadre départemental de l’Assurance maladie. Ces taux « interrogent sur la légitimité de tels niveaux de profit dans un secteur financé majoritairement par des fonds publics et orienté vers l’intérêt général ».

« On a travaillé comme des forcenés »

Secteur très rentable du fait de son activité pendant la crise du Covid, la biologie médicale est particulièrement dans le viseur de l’Assurance maladie, qui note une hausse de plus de 100% de ses profits sur la période 2018-2022. 

Mais les représentants du secteur n’ont pas la même lecture. « Aujourd’hui, on est pointé du doigt pour avoir été actifs à la demande du pays », réagit auprès de What’s up Doc le Dr Jean Canarelli, vice-président du syndicat des biologistes (SDBIO). « On a travaillé comme des forcenés et on a effectivement bien gagné nos vies. On ne peut pas nous le faire payer pendant deux générations »

Regrettant que l’organisme s’appuie sur les chiffres du Covid pour justifier ses mesures de régulation, Jean Canarelli met en avant le fait que la biologie médicale ne représente finalement qu’une faible part des dépenses de soins de ville, comparativement au remboursement des médicaments et aux honoraires médicaux. 

La biologie médicale « ne mérite pas d’être traitée comme elle l’est », dit Jean Canarelli, appelant, « plutôt que des coups de rabots », à travailler « sur l’utilité des examens ». 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/la-financiarisation-cest-pas-nos-oignons-ah-bon-tes-sur

Sur ce point, la Cour des comptes soulignait déjà en 2022 qu’à pathologie équivalente, les structures à but lucratif avaient tendance à prescrire un nombre plus élevé de séances de radiothérapie que les établissements publics ou privés non-lucratifs. 

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